J’ai définitivement du mal avec le cinéma de Bertrand Tavernier… surtout quand il s’attaque, comme il l’a fait de nombreuses fois au cours de sa carrière, à l’Histoire de France. En effet, si j’aime le Tavernier moderne (voir encore le dernier "Quai d’Orsay"), je suis toujours resté dubitatif sur ces films militants et, plus encore, sur ces films d’époque qui m’ont toujours paru sonné faux. "La Princesse de Montpensier" ne fait pas exception et cumule encore plus de défauts que "La fille de D’Artagnan", précédente incursion de Tavernier dans le film en costumes. On retrouve, ainsi, un début poussif et épuré où la caméra se balade sans grande maîtrise entre les intervenants (voir la scène d’affrontement de Chabannes), où la mise à scène se refuse à toute envolée lyrique et où le scénario peine à révéler son intérêt. On en oublierait presque la qualité des décors et des costumes, qui représentent, cependant, le minimum syndical pour un film d’époque. On retrouve, également, ce problème plus technique de diction, ou plutôt d’intelligibilité des dialogues. Comment un tel problème peut-il encore exister de nos jours avec les moyens techniques dont disposent les metteurs en scène ? Est-ce dû à un parti-pris de réalisme (avec des plans séquences et des décors naturels pas forcément, propices à un travail policé) doublé un refus de procéder à un postsynchronisation pour rendre les dialogues plus audibles ? Difficile à dire mais le résultat est souvent pénible à écouter. Mais ce problème technique, ainsi que cette mise en scène austère et sans relief ne sont pas les seuls défauts du film. L’intrigue fait, également, l’effet d’un soufflet. En effet, après une mise en place laborieuse, et malgré des dialogues encore trop longs et une mise en scène toujours aussi peu excitante, les enjeux dramatiques se révèlent et on se surprend à s’intéresser au destin de cette Princesse de Montpensier, objet de la convoitise de tous les hommes qui l’entourent. Ces rivalités amoureuses sont surtout l’occasion de mettre en lumière les rivalités plus profondes qui opposent les Catholiques français de l’époque. Car le film se déroule sous le règne de Charles IX, soit une période riche en événements dramatiques liés aux guerres de religions. Les passionnés d’Histoire apprécieront d’autant plus la mise en exergue des relations entre les différents personnages, à commencer par la terrible promesse de vengeance proféré par le Duc D’Anjou au Duc de Guise et la menace diffuse du futur massacre de la Saint Barthélémy qui apparaît inévitable. Malheureusement, après un emballement qui dure tout au long du second tiers du film, l’intrigue patauge à nouveau dans sa conclusion… au point de se poser la question de l’intérêt de ce film. Il faut dire que, à force de titiller le spectateur avec des promesses de vengeance et autre règlements de compte, il aurait sans doute fallu en donner un peu plus à se mère sous la dent. A titre d’exemple, le sort de Guise a beau être connu des amateurs, il n’en demeure pas moins qu’on aurait aimé voir se tramer le complot conduisant à son assassinat sur grand écran. Au lieu de ça, le réalisateur préfère s'attarder sur les amours contrariées de son héroïne, dont il faut reconnaître qu'elle manque singulièrement d'originalité, voir d'intérêt. Il manque clairement de la tragédie à ce film ou, plus précisément, un souffle tragique pour être vraiment convaincant. Malheureusement, Tavernier semble allergique à toute idée d’emphase et préfère faire dans l’austérité. Heureusement, il peut compter sur l’interprétation de ses acteurs, de Mélanie Thierry en princesse intrigante au sage Lambert Wilson en passant par le fougueux Gaspard Ulliel en Guise guerrier, l’extraordinaire Raphaël Personnaz (qui campe un D’Anjou magnétique) ou encore un impeccable Michel Vuillermoz. Seule fausse note, et non des moindres, la prestation épouvantable de Grégory Leprince-Ringuet en Prince de Montpensier, qui n’a visiblement pas passé le moindre casting et a, sans doute, bénéficié d’un passe-droit pour faire partie du film. Certes, son personnage est censé être effacé par rapport au flamboyant Guise mais ce n’était pas une raison pour jouer aussi faux. L’acteur réussit à repousser les limites qu’on croyait atteinte par Samy Nacéri, c’est dire ! En laissant passer une prestation aussi déplorable, Bertrand Tavernier vient, à mon sens, définitivement discréditer le film, qui restera, dans ma mémoire, comme trop long, trop bavard et trop factice. Reste quelques beaux numéros d’acteurs…