J'ai pu lire ça où là, des critiques de spectateurs franchement mauvaises, mais qui peinent à expliquer véritablement pourquoi ils leur semble que le film est mauvais. J'avais donc un peu peur de voir ce film de Bertrand Tavernier, dont un film ne m'avait pas vraiment réjouit depuis Capitaine Conan en 1996 !
Revenons aux spectateurs qui trouvent le film mauvais et très "emmerdant". Peut-être sont-ils aveugles ou borgnes qui sait ! Voir sourds ! Bon, ok ! Certaines remarques, présentent aussi dans les bonnes, sont judicieuses (ce qui m'empêche de mettre une excellente note au film). Voilà, je rappellerai et contre-argumenterai à ces "amoureux du cinéma":
- Que ce film est tiré et adapté d'un roman méconnu de Madame de Lafayette, auteure de la célèbre "Princesse de Clèves".
-Que si vous trouvez que la trame est vide et superficielle, que cette histoire de "princesse tête à claque limite allumeuse qui emmerde son monde car elle ne comprend rien à rien" prenez vous-en au roman et au féminisme sous-jacent de Mme de Lafayette et non pas au réalisateur, ou alors faites un saut arrière dans le temps, dans l'époque du film, est mettez vous dans la peau d'un Marquis ou d'un Duc qui négocie sa fille aux plus offrants! Vous seriez très heureux, ces dames vous seront soumises!
-Que si vous trouvez que ce film à une esthétique de téléfilm ou encore de film de cape et d'épées époque Jean Marais, retournez chez l'ophtalmo! Je crois que vous avez de graves problèmes de vue!
-Qu'il n'y a pas assez de sang, de morts étripés, de duels à l'épée, de batailles, d'effets spéciaux, que les dialogues sont juste incompréhensibles et mal écrits ou qu'il manque de clinquant à l'image, c'est vous qui êtes superficiel et léger! Les films romantiques et historiques ne sont juste pas fait pour vous. L'authenticité de la reconstitution et l'amour de la belle langue française n'a jamais fait de mal !
J'en passe et d'autre, la liste est longue...Au moins, je me suis marré!
Pour ma part, je trouve, donc, ce film plutôt réussit, avec quelques réserves de taille, qui m'empêche de mettre une excellente note. Ce qui a passionné Tavernier, c'est surtout le caractère féministe de l'oeuvre de Madame de Lafayette caractérisé par l'insoumission de Marie de Montpensier dans une société profondément machiste.
Plus que d'axer son film sur la passion qui la taraude pour de Guise (incandescent et très beau Gaspard Ulliel- très bon choix de casting) ou les avances, esquissés, du Duc d'Anjou (convaincant Raphaël Personnaz), c'est la relation entre Chabannes et Marie qui est, à mon avis, le fil rouge du film. Les vrais héros du film, c'est elle et lui. D'un côté, le véritable humaniste réformateur, sage et instruit prêt à apporter l'émancipation à cette fougueuse jeune femme et de l'autre le fidèle confident de chaque instants, amoureux transit mais platonique, qui finira par se sacrifier totalement pour elle et pour l'amour qu'elle éprouve pour de Guise, au risque de se faire passer pour un traitre qu'il n'est pas, mais aussi dans le soucis de la protéger d'elle-même. Le film tourne autour de cet amour contenu qu'éprouve Chabannes pour Marie de Montpensier. D'ailleurs, les plus belles scènes, même parmis les dispensables, sont entre eux deux. De plus les dialogues de Jean Cosmos s'avèrent beaux et très bien écrits. Lambert Wilson brûle de milles feux dans ce rôle qui, au côté du père de "Des hommes et des Dieux", resteront comme ces deux plus beaux rôles.
Évidemment, il y a de nombreuses longueurs et des scènes inutiles qui nuisent à la cohérence de l'ensemble, mais peut-être est-ce dû au jeu très monotone et au peu de conviction de Grégoire Leprince-Ringuet, en Prince-Duc de Montpensier. Notamment entre la première partie et la dernière partie du film, qui , elles, sont toutes deux passionnantes, par l'exactitude et le soin apportés à la reconstitution de l'ambiance, mœurs et usages de l'époque (la scène de la nuit de noce, le sort et la vie réservé aux femmes par ex.), mais, également, par le soucis du détail et d'authenticité dans les faits historiques rapportés à l'image ( des batailles, une Cour du Royaume de France, une Catherine de Médicis certainement plus proche de la réalité que ce qu'on a pu voir jusque là) qui en fait quasiment un docu-fiction. En cela, le film est une vraie réussite. Et le manque de moyens, évident, ne nuisent en rien à l'image puisque cela renforce ce sentiment d'épure et d'essentiel à vouloir nous montrer la "vraie" Renaissance.
La beauté saisissante de nombreux plans souligne une sublime photo mais surtout le talent incomparable et l'intelligence de Bertrand Tavernier pour faire de ses acteurs, de la nature, des costumes ou des décors, de véritables outils au service du cadre. J'ai eu l'impression de voir certains tableaux de maître à l'image.
Autre point positif, la volonté de direction de jeu de Mélanie Thierry, qui, de naïve, s'affirme va crescendo, au fil des scènes, dans une montée en puissance qui finit par exploser avec intensité dans la dernière partie du film, le personnage étant victime de sa propre passion.
En somme, un bon Tavernier, en pleine forme sur le plan formel et fidèle à l'époque historique, prenant le parti d'axer son film sur un aspect précis du roman dont il est adapté, mais qui souffre d'une seule vraie erreur de casting plombant toutes les scènes de sa présence, qui surprend par ses lenteurs étudiées (les scènes d'instruction entre Marie et Chabannes) mais qui aurait gagné à être moins long.