Une comédie ridiculisant l'armée, les Américains savent faire (MASH, Hot Shots...). Mais alors un pitch pareil, j'avais jamais vu ça! Et encore il ne présage en rien de la folie furieuse de ce film plus qu'original! Mélangez des militaires ricains plus cons que vous n'auriez jamais pu l'imaginer, un journaliste neuneu largué par sa copine pour un éditorialiste avec une certaine particularité physique (j'en dis pas plus), un ancien sergent illuminé par le New Age, des chèvres, des terroristes, du LSD... Et vous obtenez un mélange explosif! Dans son déroulement échevelé, son goût pour les personnages et les situations improbables, sa faculté à enchaîner des quiproquos tous plus absurdes et hilarants les uns que les autres, on pense tout de suite aux grandes comédies des Frères Coen. Il est d'ailleurs troublant de voir la ressemblance à peine cachée de l'affiche du film avec Burn After Reading réalisé par les Coen et où on retrouvait déjà, coïncidence, toujours le même George Clooney.
C'est normal, on dirait que le film a été écrit par les Coen, même si l'écriture parfois un peu lourde des situations trahit la relative inexpérience (totalement excusable) de Heslov derrière la caméra. Et pour les fans, sachez que ce film non seulement s'inscrit dans la même veine mais s'avère aussi extrêmement réussi. D'abord, fait essentiel pour une bonne comédie, on rigole énormément. On rigole non seulement de la bêtise abyssale de toute cette galerie de portaits tous plus forts de café les uns que les autres (dès les premiers plans, une scène avec Stephen Lang, le méchant d'Avatar, nous donne tout de suite le ton). Tour à tour, Heslov convoque le film burlesque, le buddy-movie, le road-movie, le film journalistique, le film politique voire le thriller, tout ça dans un vaste détournement extrêmement réussi. Le film est court donc très ramassé avec un rythme très soutenu qui nous laisse juste le temps de se remettre d'un fou rire pour replonger tout de suite dans le suivant. Et le plus fou, c'est qu'en voyant un tel déchaînement de débilité profonde, on ne peut que se résoudre à croire que ce film est tiré d'une histoire vraie.
Mais le point fort de ce film, c'est sa distribution de folie, absolument parfaite de bout en bout. Ne vous fiez pas trop à l'affiche, ce film est avant tout un face-à-face, le face-à-face de deux remarquables comédiens que sont George Clooney et Ewan McGregor. Il est impossible d'imaginer quelqu'un d'autre de ces deux-là dans ces rôles qui décidément leur collent à la peau. Mr Nespresso nous montre sans aucun doute qu'il excelle le plus (plus encore que dans la peau de l'indécrottable séducteur) lorsqu'il joue le neuneu profondément atteint qui prend ses illuminations au sérieux : voyez-le dans O'Brother, Burn After Reading ou Batman et Robin (euh enfin non pas celui-là) pour vous en convaincre. Quant à notre cher Ewan, non content de prouver que l'année 2010 sera McGregorienne ou ne sera pas (trois films sortis en à peine un mois!), il semble enfin trouver dans la peau du gentil gars un peu naïf (qu'il endosse aussi dans I love You Philip Morris et l'exceptionnel Ghost Writer) un rôle de prédilection capable de faire oublier l'espace d'un instant le rôle d'Obi-Wan Kenobi dans la mythique seconde (ou première, tout dépend du critère^^) trilogie Star Wars. Et d'ailleurs, voire George Clooney se lancer dans une longue explication à Ewan McGregor sur ce que doit être un vrai Jedi, au-delà de son côté un peu facile scénaristiquement, procure un plaisir certain à tous ceux qui comme moi vibrent dès qu'on prononce les noms de Skywalker, sabre laser ou Force.
A leurs côtés il fallait de véritables grands seconds rôles pour incarner des ahuris de première capables de ne pas se faire dévorer par Clooney et McGregor. Et troisième excellent choix de casting, le réalisateur a eu la très bonne idée de convoquer dans ce grand barnum le tout récent Oscarisé Jeff Bridges qui retrouve dans son rôle de Bill Django, ancien vétéran du Vietnam persuadé que les Marines peuvent avoir des pouvoirs parapsychiques, la folie délurée et névrotique qui avait rendu sa composition dans The Big Lebowski (tiens tiens, encore les Coen...) un inoubliable moment de cinéma. Mention spéciale à Kevin Bacon qui apparaîtrait presque comme le plus normal de tous s'il n'était pas lui aussi complètement allumé.
Insolent, irrévérencieux (mettre des images de la guerre en Irak sur Alright de Supergrass, faut oser), hilarant, The Man Who Stare at Goats est une sacrée bonne surprise et une excellente comédie que je vous recommande de voir!