Oeuvre grandiose ( Pour moi un des plus beaux films de l'année, parmi la centaine vue en 2022 ), de Vitorio DeSeta, dans son noir et blanc magnifique, et le minimalisme évocateur de la mise en scène. Il nous replonge dans les affres de ces années de misère qui sévissait encore dans beaucoup de régions reculées, comme la Sardaigne. Ça n'est pas si loin les années 60. Deux générations de 30 Glorieuses effrénées ont suffi à nous faire oublier que beaucoup de gens vivaient si misérablement, selon des règles ancestrales, il n'y a pas si longtemps encore.... Le fatum, implacable, s'abat sur ce qu'on peut appeler ici le lumpenprolétariat paysan, le maintenant dans une détresse sans fin, sans aucun recours possible de la part de qui que ce soit. Á l'époque on ne se permettait pas d'exiger de l'État: on le subissait comme un avatar de plus que la Nature infligeait aux "gens de peu", au même titre que la sécheresse, les épidémies ou la guerre. La légende du "bandit sarde" trouve ici son illustration, notamment celle de Giovanni Corbeddu dans les années 1880. Magnifiques paysages à couper le souffle, sublimé par le noir et blanc, Nature âpre, aride, qui ne pardonne pas les faux pas, tant au propre ( le père du berger en a fait les frais ) qu'au figuré. Comme une tragédie grecque, le berger, pris dans un imbroglio judiciaire qu'il ne maîtrise pas, sera amené à commettre à son tour ce qui l'avait pourtant mené une première fois à sa perte, comme un cercle vicieux infernal. Implacable et magnifique. Hélas pour ce chef d'oeuvre si éloigné des "blockbusters" hollywoodiens, nous n'étions que six dans la salle.... Hélas ou tant mieux, d'ailleurs...