Quand je réfléchissais à cette critique, je m'employais à mettre en place mon schéma d'analyse classique : peser le pour et le contre, réfléchir à ce qui marchait sur moi durant le film, mettre le film en perspective avec ce qu'il veut faire et ce qu'il est, afin de vous dire ce qui va et ce qui ne va pas. Mais plus j'y réfléchissais, plus je me rendais compte que quelque chose n'allait vraiment pas, qu'un agacement se mettait en place en moi. Maintenant que je suis en train d'écrire, j'ai déjà pris ma décision : ne pas vous parler des "Éternels", mais de Marvel Studios, et comment cette fois, j'en ai eu marre.
Bientôt 30 films que ça dure cette histoire. 30 films qu'on excuse un humour parfois lourd, un schéma de narration se répète, qu'on se bouffe les promesses pour nous donner envie de voir les films suivants. On voit très bien qu'à chaque fois qu'on nous promet quelque chose d'incroyable, la moitié des promesses partiront en fumée, mais ce n'est pas grave, puisqu'on a pris notre billet et qu'au fond ça va, on est content. Sauf que non en fait, on ne peut pas tourner en rond comme ça aussi longtemps et faire comme si de rien n'était. On ne peut pas continuer d'accepter les promesses de Feige, qui ici sont poussés à l'extrême avec le choix de Chloé Zhao qui se retrouve broyé dans une machine conformée qui se répète jusqu'à donner la nausée.
Les combats sont toujours les mêmes, vu que ce ne sont pas les réalisateurs qui les gèrent, mais les équipes spécialisées pour ça, et là ça se sent tellement quand on passe de l'équipe A à l'équipe B. L'humour est constamment le même, avec ce même schéma de désamorcer l'aspect divin des super-héros par des petites blagues du quotidien qu'on a déjà entendu des dizaines de fois (la blague de la table sonne tellement comme un rappel à Thor 1, sorti y a plus de 10 ans maintenant). Les personnages faussement développés, les twists piqués à d'autres films et séries, le cahier des charges qui pèse une tonne, les instants émotions, tout nous ramène à ce que la maison aux idées qui en a de moins en moins a déjà fait depuis le milieu des années 2000.
La balle dans le pied est encore plus massive quand on voit que Marvel peut se renouveler avec les séries "Disney +", dont "Wandavision" et "Loki" sont de bons exemples, où j'ai réappris à ressentir des émotions devant du Marvel. L'une des scènes de "Loki", qui peut sembler anodine ("I was Happy"), a réussi à me tirer les larmes, parce que ça marchait. Côté grand écran, c'est une année tellement faible pour Marvel Studios, tant "Black Widow", "Shang-Chi" et maintenant les "Éternels" offrent un départ de phase 4 en deçà de tout ce qui a pu être fait avant. Quand on regarde la série "What If", le plus terrible finalement, c'est de se dire qu'on peut déjà commencer à être nostalgique de la guerre de l'infinité tant elle était plus engageante que tout ce qui s'annonce.
Puisque cette critique dérive, autant aller jusqu'au bout du naufrage : récemment, j'ai expérimenté énormément d'experiences vidéo-ludiques courtes, mais extremement surprenantes et engageantes, et surtout toutes différentes entre elles : "Inside", "Wattam", "What Remain of Edith Finch", "The Silent Age", j'ai enchaîné toutes ces expériences de jeux, et chacune remettait mon compteur d'étonnement et d'intérêt à zéro. Et je pensais à cela devant les "Éternels" tant j'ai eu le sentiment que le peu d'investissement de Marvel à renouveler ses films se sentait si fort, que les belles images de Zhao ne sont qu'une façade plastique vide qui cache un modèle de film répété sans se réinventer.
Devant les "Éternels", s'est dressé un mur entre le film et moi. Un mur construit par la volonté d'offrir non pas une expérience originale, mais de répéter encore et encore la même chose pour revenir au cinéma encore et encore, à tel point que comme manger le même plat où accomplir le même travail tous les jours, aller voir un film Marvel est devenu aliénant. Nous sommes formatés à se contenter de ce qu'on nous donne, à saluer trois bonnes idées qui ne sont pas bonnes en soit, mais comparer à la fadeur général, on est censé se dire que ça relève le niveau et que ça change d'avant. Sauf que comme la scène de sexe dans l'obscurité qu'on voit rien, parce qu'il fait sombre et que l'angle de caméra est mal foutu, ça change rien. Le cinéma existe depuis plus de 100 ans, et Marvel n'invente rien, car aucun film n'invente entièrement quelque chose, le cinéma n'étant qu'un spectre assemblant multiples influences constituant les arts extérieurs et son propre art pour composer chaque nouveau film. Marvel n'invente rien, il peut faire évoluer des idées et des techniques, mais ce qu'il vend comme de la nouveauté ne sera toujours qu'une éternelle répétition. Marvel n'invente pas le fan-service, Marvel n'invente pas des façons de satisfaire un public et de le brosser dans le sens du poil, mais Marvel sait comment maîtriser ces divers éléments et comment se vendre, comment nous faire croire. Parce que j'ai l'impression que plus que jamais, le plus grand tour de magie de Marvel c'est de nous faire croire en un film, de maquiller la déception, et de nous promettre que la prochaine fois, ça ira mieux. Sauf que si sur certains films ça marche, dans l'ensemble du projet ça commence vraiment à fatiguer sévère, et personnellement, je suis vraiment fatigué.
Après "Dune" cette année qui amène un tant soit peu quelque chose de frais et de cool, je suis fatigué d'excuser encore et encore Marvel à chaque film. Je suis fatigué de me forcer à aller voir chaque nouvelle répétition pour ne pas avoir un trou dans la compréhension de l'univers. Les "Éternels" m'a fatigué, parce que je voyais qu'en tant que film solo, il était extrêmement solide, mais prit dans le plan Marvel, ça n'a pas fonctionné sur moi. Tout ce que j'aurais dû ressentir, je l'ai ressenti ailleurs et en mille fois mieux. Tout ce qui marchait, ne marchait pas vraiment, parce que je retrouverais la même chose puissance mille dans la salle d'à côté. Je continuerais d'y aller, parce que je suis ouvert à la surprise, mais on approche plus que jamais du moment où j'ai envie de dire stop, et je ne peux plus pardonner ce qui passait encore dans la dizaine de premiers films sortis quand là, on approche de la trentaine. Bientôt 30 films, et si ça ne se renouvelle pas sévère, on approchera du chaos selon moi. Mais bon, tant que le public en redemande, pourquoi s'arrêter.