Si la majorité des débats autour de ce dernier épisode du MCU divise autant, il n’y aurait au moins à craindre que de revenir pour le même glaçage pailleté et sans saveur. Il y a donc de l’espoir, d’abord emmené par Cholé Zhao (Les Chansons que mes frères m’ont apprises, The Rider, Nomadland), une cinéaste qui a su capter le Dakota du Sud comme un espace d’errance intemporelle, tout en y incorporant les maux et les névroses des Etats d’Amérique, à la fois démunis et désunies. Puis une once d’espoir, suggérant un dépaysement audacieux avec les précédentes œuvres. Avec « Shang-chi », nous avions déjà refait le monde à travers la malédiction d’un artefact, à présent, c’est à un petit groupe immortel de rééditer l’artifice, en y mêlant des faits marquants de l’histoire de l’humanité.
Que pouvait donc apporter cette expatriée/exilée de son pays d’origine ? Une partie de la réponse résonne dans ses choix de mise en scène, qui ne réinvente pas son style, déjà établi, qui ne la bonifie pas non. Rompre le pacte du classicisme après une courte virée à Londres lui laisse de nouveaux environnements à étudier et à explorer. Hélas, nous serons bien loin de la pertinence émotionnelle qu’elle a pu générer, avec une force brute, au nom de la photographie, sous une lumière naturelle évoquant toute la mélancolie et la perdition de ses personnages. En soi, retrouver une cinéaste dans ce genre de récit pourrait réconforter, si seulement ses arguments n’entraient pas constamment en conflit avec la voracité d’un studio, pour qui la formule gagnante n’a plus de secret pour le spectateur qui aura eu le temps de digérer trois phases. L’humour salit toujours un peu plus cette balade à travers les Âges et des lieux, qui pour une fois tranchent avec les cartes postales urbaines. Est-ce pour autant aussi mélodieux et harmonieux dans son ensemble ?
En se payant la tête de la Justice League, on se confronte à des personnages qui ne brillent pas par leurs pouvoirs, singuliers et déjà vu, mais bien par leur sensibilité. Eux qui sont censés observer l’humanité évoluer, ne peuvent s’empêcher de réagir face à autant de fébrilité et de violence. Mais l’on s’amuse constamment à en faire le contre-champ dans un élan de bonté gratuite ou une réplique toute réchauffée, afin de désamorcer la tragédie qui en découle. Ce qui aurait pu transformer les Terriens en un objet d’étude ludique semble être reporté, donc pas une seule silhouette de Richard Schenkman se manifestera. En échange, l’intrigue somnole vers des enjeux cosmiques évidemment bienvenus à l’heure où la franchise ne demande qu’à être renouvelée, en espérant que cela ne finisse pas comme le teasing interminable du multivers. Mais il ne faudra pas espérer plus qu’une esquisse. La diversité des personnages en est le meilleur exemple. Les différentes ethnies y sont, tout en variant les orientations sexuelles de chacun ou leur approche de la société occidentale, telle que nous la connaissons. Rien n’est mis en œuvre pour justifier ces choix, tandis que ces derniers invoquent l’unicité, sans concessions et comme un absurde deus ex machina.
Capturer des paysages au loin pour qu’ils ne puissent jamais s’exprimer alimente davantage de déception, jusqu’à en ôter leur vitalité, sachant le recul que le récit entretient. Nous découvrons la planète bleue dans son ensemble, mais tout n’est que fragment et d’une superficialité affligeante. Le premier nez à nez avec ces héros, qui auraient inspiré les nôtres, est une formalité qui rendra prévisible chaque étape de ces derniers, que ce soit dans leur ascension ou dans leur chute. C’est n’est pas parce que c’est mal écrit, mais plutôt parce que c’est maladroitement illustré. Tout le long du film, nous aurons des personnages qui tenteront de se réunir, au gré de placements de produits frontaux et de gags à en perdre foi en la bonne volonté d’une réalisatrice, qui a peu de choses à apporter, si n’est le cachet médiatique de la dernière oscarisée. Elle ne semble pas à l’aise dans la capture de certains mouvements qu’elle ne peut percevoir à l’œil nu. Mais qui elle avait le contrôle de toute la partition, cela se saurait. Malgré tout le bon sens et l’acharnement de Zhao à vouloir installer sa propre mythologie, elle se retrouve dans la même situation que ses « Éternels » (Eternals), dans les mêmes rouages d’un système millimétré, dotée de pouvoirs tristement inefficaces et dépourvue d’un libre-arbitre.