Playtime de Tati (l'un des deux ou trois plus grands réalisateurs français (si!)) est un chef-d'oeuvre absolu, l'antidote parfait aux pop-corn cinématographiques dont les USA gavent quotidiennement la planète, le témoin d'un âge d'or hélas révolu de l'histoire du cinéma . Qui oserait encore aujourd'hui un cinéma aussi moderne, aussi exigeant, aussi subtil, d'un bon goût aussi parfait? Playtime, c'est du cinéma pur par l'un des rares réalisateurs à avoir compris l'essence du septième art. L'argument est simplissime: un groupe de touristes américaines visite Paris, certes pas la ville que vous connaissez, mais Tativille, une projection futuriste tout droit sortie de l'imagination du cinéaste. Usant, comme à l'accoutumée, de monsieur Hulot comme d'un révélateur, Tati brocarde, avec une délicatesse, une tendresse, un humour qui n'appartiennent qu'à lui, les mille et un travers d'une société technicisée à l'extrême. Ne cherchez aucune trame narrative au sens traditionnel du terme! Playtime est une symphonie visuelle et sonore composée des mille et un petits riens qui font la trame de la vie quotidienne de chacun, mais elle est mise en forme avec la rigueur la plus exigeante: celle des grands artistes. Les images sont composées comme des tableaux où rien n'est laissé au hasard: les couleurs, les personnages, les objets, leur agencement dans l'espace, tout est calculé avec une minutie donnant le vertige. Et la bande son est prodigieuse! Les bruits, les bribes de dialogue, la musique sont distillés avec le soin le plus maniaque, et toujours avec un à-propos parfait. Regardez la scène de la salle d'attente, celle de la pharmacie, l'incroyable débandade du Royal Garden, la scène du sens giratoire. Goûtez l'incroyable délicatesse et la tendresse infinie avec laquelle Tati évoque l'attirance mutuelle de monsieur Hulot et de Barbara. C'est du grand art! Playtime est assurément l'un des cinq films que j'emporte sur mon île déserte.