Looking for Eric a été sélectionné en compétition au 62e Festival de Cannes en 2009. Habitué du festival, le réalisateur a remporté la Palme d'or en 2006 pour Le Vent se lève.
Le réalisateur revient sur l'origine du projet : "J'ai reçu un message me disant qu'Eric Cantona souhaitait entrer en contact avec moi. C'était il y a deux ou trois ans. Sans lui, ce filmn'aurait jamais existé. Un producteur français, Pascal Caucheteux, s'était entretenu avec Rebecca O'Brien, la productrice, et avait suggéré que nous nous rencontrions, lui, Eric et nous. Nous connaissions évidemment Eric Cantona, l'homme public et le footballeur d'exception. Et eux savaient que Paul Laverty, le scénariste, et moi nous intéressions au football. Eric avait quelques idées, toutes très intéressantes, en particulier une histoire sur sa relation avec un fan. Paul et moi ne voyions pas comment nous pouvions faire fonctionner cela en termes de narration, de personnages et de développement, mais nous avons trouvé que c'était un domaine intéressant à explorer – non seulement la joie et le plaisir du football et le rôle qu'il joue dans la vie des gens, mais aussi la notion de célébrité et la manière dont on construit la popularité de quelqu'un à travers la presse et la télévision. Dans l'esprit des gens, les célébrités ont quelque chose de surhumain."
C'est la première fois que l'Anglais Ken Loach travaille avec la société de production française Why not, la maison qui finance les oeuvres d'Arnaud Desplechin, Jacques Audiard ou Bruno Podalydès. Parmi les autres maisons de production qu'on trouve au générique de Looking for Eric figurent celle des frères Eric Cantona et celle... des frères Luc Dardenne.
Le scénariste Paul Laverty, qui a d'abord cru à une blague lorsque Ken Loach lui a dit qu'Eric Cantona l'avait contacté, évoque son premier contact avec l'ex-footballeur : "Nous nous sommes rencontrés pour parler d'un court traitement qu'Eric Cantona et ses frères avaient préparé pour la société de production française Why Not. Le sujet portait sur un vrai fan qui avait suivi Eric quand celui-ci avait été transféré de Leeds United à Manchester United, perdant au passage son travail, ses amis et sa famille. J'ai trouvé qu'il y avait là un certain potentiel mais en fin de compte, une fiction et la liberté qu'elle permettait, m'attiraient plus encore. Peut-être est-ce la terrible grippe dont je souffrais quand nous nous sommes rencontrés ce jour-là, mais à mesure que nous parlions, mon esprit s'est mis à dériver vers tous ces souvenirs, ces magnifiques buts qu'Eric avait marqués, ses flashs d'inspiration, son tempérament, son fameux coup de pied de karaté, la conférence de presse " des sardines ", les chants de la foule, et puis surtout ce moment qui était resté gravé dans ma tête, ce but extraordinaire qu'il a marqué contre Sunderland. Il a tout de suite été clair pour moi comme pour Ken que la personnalité d'Eric, sur le terrain et en dehors, ouvrait un champ de possibilités absolument fascinantes."
Ken Loach retrouve ses collaborateurs habituels : le scénariste Paul Laverty (dix films en commun, dont deux court métrages), mais aussi le chef-opérateur Barry Ackroyd, le monteur Jonathan Morris ou encore la productrice Rebecca O'Brien.
Selon Ken Loach, Looking for Eric est avant tout "une histoire sur l'amitié et sur le fait de s'accepter tel que l'on est. C'est un film contre l'individualisme : on est plus fort en groupe que seul. Certains éprouveront peut-être une certaine condescendance envers cette idée, mais ce film parle de la solidarité entre amis, en prenant pour exemple un groupe de supporters de foot. Il est aussi question de l'endroit où vous travaillez et de vos collègues. Même si cela peut sembler banal de dire cela, ce n'est pas dans le vent de l'époque. Ou du moins ça ne l'est plus depuis trente ans. Ceux qui vous entourent ne sont plus vos camarades, ils sont vos concurrents."
A propos du fait de jouer son propre rôle, Eric Cantona confie : "Dans le film, je suis le Eric Cantona qui existe dans l'esprit d'Eric Bishop, dans son imagination. C'est ainsi qu'il me voit. Cela m'a conduit à prendre pas mal de distance par rapport à moi-même, c'était de l'autodérision et j'ai beaucoup aimé cela. J'ai travaillé sur d'autres films, des films où je pouvais me cacher derrière un personnage, mais dans celui-ci je devais être moi-même. C'était un sentiment étrange (...) Ce fut une bonne expérience, très spéciale. C'est comme être, tout en se regardant être. Il faut trouver la spontanéité, être soi-même, mais dans une fiction. C'était un exercice étrange, mais passionnant." Précisons que les proverbes que prononce le personnage ont tous été écrits par Paul Laverty... "Ils m'ont beaucoup fait rire quand je les ai lus – et je soupçonne qu'ils ont beaucoup fait rire Paul quand il les a écrits ! Cela ne me gênait pas du tout de les dire, au contraire : je les aimais beaucoup. Les buts ont été choisis par eux, mais je suis d'accord avec leur choix. Je trouve qu'il y a un bon équilibre, avec des buts à 20 ou 30 m, des lobs, des têtes... Des types de buts différents."
Si le film n'est nullement un documentaire sur Eric Cantona, le cinéaste s'est inspiré de la personnalité du footballeur, très populaire en Grande-Bretagne : "En parlant avec Eric, ses réflexions sur le sport, sur sa place, sur ce qu'il a tenté de faire et son approche du football sont devenues partie intégrante du projet. Lorsqu'Eric rentre dans une pièce , il a un charisme, un magnétisme considérable. Les comédiens parlent de " projection naturelle " à propos de cette capacité à communiquer depuis la scène jusqu'au fin fond de la salle sans apparemment rien faire de spécial. Eric savait faire cela sur un terrain de football – il communiquait avec 70 000 personnes. C'est une capacité naturelle absolument extraordinaire. A Manchester, il a été traité avec respect, admiration et affection. Nous avons dû dissimuler sa présence – c'est la première fois que j'avais des paparazzis rôdant autour du plateau. Et si on marchait avec lui dans la rue, la circulation ralentissait et les gens lui attrapaient la main. Je suis allé à un match avec lui à Old Trafford. Même sans savoir qu'il était là, les gens chantaient les chansons de Cantona. Ils scandaient son nom alors qu'il n'était pas venu depuis dix ans ! Et puis ils ont découvert qu'il était là pour de bon, et ça a été la folie. Des hommes adultes pleuraient !"
Steve Evets a eu un parcours pau banal avant d'obtenir le premier rôle de Looking for Eric. Issu d'un milieu ouvrier, le jeune homme s'engage dans la Marine Marchande, mais en est renvoyé trois ans plus tard. Il raconte : "J'avais fait toutes sortes de trucs, j'avais sauté deux fois d'un bateau au Japon, j'avais passé mon 18e anniversaire dans un bordel de Bombay – c'était une expérience très libératrice ! J'étais comme un jeune chien fou à l'époque. Puis j'ai trouvé un job de livreur de tuyaux industriels pour une boîte, parce que je n'avais pas d'autre option. Je me suis marié, ça a foiré et la boîte m'a licencié. Alors j'ai décidé de faire ce que j'avais en tête : être acteur, ou un truc créatif" Il a alors troqué son nom de famille, Murphy, pour le palindrome Evets. Il a trouvé quelques rôles comme comédien, et même joué de la basse avec le groupe The Fall, avant de se brouiller avec son imprévisible leader Mark E. Smith...
Originaire de Manchester, comme la plupart des supporters du film, Steve Evets, qui joue le rôle principal, ignorait jusqu'au derneir moment qu'Eric Cantona jouerait dans le film ! "Il savait seulement qu'il était impliqué comme producteur", raconte le réalisateur, qui précise : "Le jour où Cantona devait commencer à jouer, nous l'avons conduit discrètement dans la maison et dans la chambre. J'ai dit à Steve : " La lumière n'est pas bonne. Il va falloir qu'on mette du noir pour atténuer les reflets. Donne-nous dix minutes. " Steve est sorti fumer une cigarette, Eric Cantona s'est caché derrière un drap noir que nous avons placé autour de la caméra, puis nous avons joué la scène. Steve regardait en direction du poster grandeur nature de Cantona. Eric s'est glissé derrière lui et il s'est mis à parler. La surprise a été totale."
Si Eric Cantona joue de la trompette dans le film, ce n'est pas par hasard... Dans la vraie vie, lorsqu'il a été suspendu pendant 9 mois, le footballeur s'était mis à cet instrument de musique.