Voilà donc Cantonna dans l'univers de Ken Loach: celui des cabossés de la vie –et de l'amitié entre ces cabossés là. Eric Bishop (l'excellent Steve Evets), postier dépressif, ne se remet pas d'avoir planté là sa première épouse, épousée trop jeune, avec sa petite fille. Il se trimballe deux abominables beaux-fils, qui encombrent la maison de matériel volé et de copains douteux. Il a complètement baissé les bras; il lui reste la légende du Manchester United, le pub -et les copains de la poste qui tentent de le remettre sur pieds, de le faire rire -rien n'y fait. Jusqu'à ce qu’apparaisse dans sa chambre son Jiminy Cricket sous la forme de son idole: Eric Cantonna. Qui va lui redonner, à grand renfort d'aphorismes à la mords-moi-le-noeud (qu'il traduit en anglais approximatif avec un accent à couper au couteau!) le goût de se battre, de se reprendre en main... et de faire confiance aux autres. Quand il s'agira de sauver la famille et l'aîné des fils, tombé dans les pattes d'une menaçante crapule, c'est toute la poste de Manchester, affublée de masques de Cantonna, qui va débarquer de bus de supporters où les battes de base-ball ont remplacé les trompettes, pour aller donner à la petite crapule une leçon qu'il n'est pas prêt d'oublier. Inattendu chez Loach, il y a une happy end digne d'une comédie américaine mais qu'on ne s'y trompe pas: c'est un film largement aussi politique que les précédents. La leçon c'est que, pour s'en sortir, il faut faire du beau jeu: il faut faire collectif. Vous vous souvenez, dans son précédent film, it's a free world, l'héroïne avait décidé de jouer complètement perso, égoïste. Elle s'en sortait -dans quel état. Après ce contre-exemple, après cette dénonciation amère du monde libéral où nous vivons, c'est une sorte de conte de Noël que Loach réalise avec la complicité d'un Cantonna épatant. A voir, bien sûr, et si vous n'aimez pas le foot, ce ne sont pas les quelques images d'archive des meilleurs buts du grand Eric pour vous faire peur!