C’est à un réalisateur plutôt méconnu que l’on confie la dispensable tâche d’adapter Jane Eyre, le roman anglais qui s’est vu moult fois offrir une adaptation au cinéma ou à la télévision. Pour ainsi dire, la seule et unique motivation que l’on aurait d’aller voir du déjà-vu réside en les personnes de Michael Fassbender et Mia Wasikowska (Restless, Alice aux pays des merveilles…), deux grands personnages dans le cinéma contemporain. Malgré tout, le long-métrage parvient à révéler au grand jour des qualités insoupçonnées, malheureusement trop peu exploitées ou ensevelies sous une mièvrerie constante. En effet, sous cette structure scénaristique navrante de classicisme se trouvent des dialogues emplis de niaiserie au point que, parfois, le jeu d’acteur du grand Fassbender lui-même se trouve grandement affecté par cet excès de simplicité. Il en va de même pour Wasikowska, qui aurait largement pu se contenter de se coltiner l’immonde perruque crasseuse qui lui est assignée. Demeure malgré tout leur présence sympathique, dans un couple plutôt réussi. À l’image de ce duo d’acteurs, on trouve une quantité de bonnes et de mauvaises choses, dans le long-métrage. Les vives couleurs forment parfois une belle association avec les décors d’un château, auxquelles peut succéder l’image grisonnante, exhibant des paysages pas toujours terribles. Il en va de même pour le fil du récit, qui trouve parfois une utilité à bifurquer vers des sentiers inconnus, récoltant ainsi un merveilleux plantage – la plupart du temps –, comme lorsque l’histoire prend soudain un virage fantastique ridicule qui ne durera que le temps d’une morsure de vampire (si l’identité du vampire en question est parfaitement devinable, le surréalisme sera aussitôt rangé au placard). Néanmoins, c’est bel et bien lorsque Fukunaga se risque à s’éloigner du schéma classique (qui persiste, malheureusement) que l’on peut trouver un intérêt au long-métrage. Au milieu des passages prévisibles au possible, il est alors possible de trouver quelques péripéties inattendues, qui empêchent ainsi au film de sombrer dans les abysses du nanar mielleux et grotesque. Ainsi, sans décréter que Jane Eyre est un bon ou un mauvais long-métrage, je me contenterai d’avancer qu’il réussit dans la tâche première d’une œuvre, c’est-à-dire divertir. Sans grande prétention. Par ailleurs, si la mise en scène reste sobre et peu poussée, celle-ci demeure suffisamment puissante pour empêcher au moindre temps mort de s’installer. Malgré cela, on pourrait reprocher à cette mise en scène son aspect largement carré, où se succèdent les différents évènements de manière insensée et artificielle, là où la notion du temps ne semble pas même exister. De fait, cette approche de l’histoire, ainsi que la niaiserie et l’immense simplicité du fond et de la forme du film constituent la grande faille de Jane Eyre. Ainsi, Jane Eyre disposait de bons matériaux. C’est donc avec regret que l’on peut observer ce qui en a été fait, à commencer par des jeux d’acteurs lourdement handicapés par des dialogues en carton et une lourdeur émotionnelle omniprésente.