Incroyable! Ce documentaire musical de 2009 qui est édité en blu-ray en France en… septembre 2014 !! Ouah!! Quelle réactivité!! On est sur le coup au pays de Vincent Delerm et Zaz!! Et ben les amis heureusement que l'import existe, parce que sinon on a le temps de se prendre un petit coup de vieux, hein?
"It might get loud", donc.
Bon, vous me direz: réunir trois guitaristes de rock dans des canapés pour taper la discut' et le boeuf, coller des travellings et des caméras autour et en faire un film, ça peut paraître tout bête. Ouais peut-être sauf que là, c'est un peu plus que ça. Faut voir les forces en présence.
Car l'élément-clé ici, c'est le casting assemblé par Davis Guggenheim, le réalisateur du doc écolo "Une vérité qui dérange". Hendrix étant excusé, Jimmy Page était le plus grand guitariste de l'Histoire du rock disponible. On ne le présente plus mais un peu quand même: requin de studio durant les early 60's devenu bête de scène au sein du monstre légendaire qu'il créa, Led Zeppelin, il peut légitimement revendiquer la paternité du hard rock, à coups de riffs titanesques et de solos dantesques. Choix donc évident pour sa dimension historique et son image icônique de guitar-hero des 70's.
Formidable idée que de convier le négatif parfait du guitar-hero: le discret The Edge et ses multiples pédales d'effets, tête chercheuse et architecte sonique de U2. Gratteux aussi atypique que génial, ce véritable dingue de technologie, obsédé par la façon de restituer fidèlement par son ampli l'idée précise du son qu'il a dans la tête, inventa un style unique et des mélodies inoubliables.
Enfin, autre formidable idée que de choisir un puriste de la six-cordes, à la vision donc totalement opposée: l'hyperactif Jack White, sorte d'Edward aux mains d'argent du rock impliqué dans diverses formations dont les White Stripes, ou en solo, estimant que la technologie est une maladie et un obstacle à la créativité.
La première scène montre d'ailleurs parfaitement l'esprit roots de ce multi-instrumentiste insolent de talent: on le voit dans une ferme se bricoler une guitare avec deux bouts de bois et une bouteille de Coca avant de faire un boucan d'enfer, dérangeant les quelques bovidés qui ne demandaient qu'à paître paisiblement dans ce coin paumé du Tennessee.
La rencontre de ces trois types autour de cette passion commune qui a fait d'eux des superstars nous permet d'assister, tels des privilégiés, à de vrais moments de bonheur, comme la scène où The Edge et Jack White regardent avec des yeux de gosse Jimmy Page balancer le riff mythique de "Whole lotta love", ou encore celle où le guitariste de U2 montre aux deux autres, fans de blues et de folk, comment jouer le riff punk de "I will follow', un des premiers singles du groupe irlandais.
Trois générations différentes, trois esprits qui se croisent, échangent, partagent, et puis la magie qui se produit: les six-cordes qui se réunissent, fusionnent, inévitablement, pour une jam slidée d'anthologie sur "In my time of dying" de Led Zep, puis en générique de fin, une fantastique version acoustique du jubilatoire "The weight" de The Band.
Ce road-movie musical tourné en 35 mm, de Détroit à Dublin en passant par Londres - où Page nous ouvre pour la première fois les portes de son sanctuaire et nous y passe le 45 tours de "Rumble" de Link Wray en jouant de l'air guitar - nous offre aussi l'occasion de revenir sur le parcours et les influences majeures de ces trois artistes et de découvrir des images d'archives exceptionnelles.
Outre le fait que ce documentaire soit rigoureusement indispensable dans la bluraythèque de tout guitariste amateur ou fan de rock qui se respecte, il n'en constitue pas moins une véritable oeuvre de cinéma, car il dresse aussi le portrait d'un monde à part qui ne cesse depuis des décennies de venir avec rage nous déboucher les oreilles pour nous raconter une histoire.
En écrivant l'Histoire.