Il y a en général 2 façons d'aborder ce film qui était en compétition à Cannes 2010 : une façon politique, une façon cinématographique. On se rappelle le foin qu'avait fait à Cannes, en mai dernier, une bande de gugusses qui n'avaient même pas vu le film. Pensez donc, un film, qui plus est un film dont une partie des capitaux sont français, qui ose montrer pendant 5 minutes les massacres de Sétif en mai 1945 à la suite d'une manifestation pacifique du peuple algérien. Qui ose montrer aussi le comportement de la police parisienne lors de la manifestation du 17 octobre 1961, comportement meurtrier couvert à l'avance par le préfet de police Maurice Papon. Bien sûr, on peut trouver un certain nombre de libertés prises par le film par rapport à l'exactitude historique, mais on ne peut pas lui reprocher d'être manichéen : c'est ainsi que le FLN n'est absolument pas montré comme une réunion de boy-scouts et les rapports avec le MNA sont tout sauf emprunts de cordialité. En fait, "Hors la loi" est avant tout l'histoire de 3 frères dont la famille a été spoliée de ses terres et qui, chacun à sa façon, tente de se construire un nouveau territoire : pour Abdelkader (Sami Bouajila), c'est la construction, au sein du FLN, d'une Algérie indépendante; pour Messaoud (Roschdy Zem), c'est, avant tout, la construction d'une famille, laquelle, dans son esprit, ne peut s'épanouir que dans un pays libre; pour Saïd (Jamel Debbouze), c'est une place dans le monde des boites de nuit et de la boxe. Pour raconter cette histoire, Rachid Bouchared installe son film en grande partie dans le fameux bidonville de Nanterre et la représentation qu'il en donne est particulièrement réussie. En fait, cinématographiquement parlant, le film est beaucoup plus réussi que ce que j'ai pu lire dessus à droite ou à gauche et on ne voit pas passer ses 2 heures et 18 minutes. Il faut dire que les 3 acteurs principaux font partie de la crème des acteurs français du moment, avec, cette fois ci, un petit plus donné à Sami Bouajila, exceptionnel en apparatchik sans état d'âme et qui se sait sacrifié. En fait, le plus gros reproche que je ferai au film est très anecdotique mais je ne peux m'empêcher d'en parler : au cours d'une scène précisément datée en 1959, une radio diffuse "Georgia on my mind" par Ray Charles; pas de chance : l'album "The Genius hits the road" dans lequel figure cette chanson est sorti en 1960 ! En fait, c'est peut-être pour protester contre cette erreur historique que le député Lionel Lucca avait pris la tête de la manifestation cannoise anti "hors la loi"; dans ce cas, il serait excusable.