Il y a deux Soderbergh : le philosophe, qui met à mal la corruption et la circulation des drogues aux Etats-Unis dans "Traffic", et il y a celui, poseur, prétentieux, insipide, de "Girlfriend Experience". Si l'on peut un moment se faire attirer par le mot 'Experience' du titre, sachez d'avance qu'il n'en est en aucun cas question. Soderbergh a réalisé un film bizarre certes, globalement fiction, avec une touche expérimentale d'interview et de documentaire à l'intérieur, qui se voudrait sensoriel, rebutant, repoussant et sensuel, mais qui n'est qu'une barrière cérébrale à la représentation du sexe à l'écran. Plutôt qu'une expérience de cinéma, tout ceci n'est qu'une tentative drôlement ratée d'originalité et de nouveauté. Charnelle est la photographie de Soderbergh, mais insignifiant est son scénario pseudo-puzzle, où s'entrecroise tout et n'importe quoi, à commencer par n'importe quoi. Film-concept étiquetté indé, horriblement abstrait et narcissique (jamais on avait vu Soderbergh se regarder filmer à ce point), "Girlfriend Experience" brasse du vide sous une allure d'indépendance bourgeoise et intellect d'une facture aussi puérile qu'elle est soporifique. Plutôt qu'un hypnotisme érotique dans le refus de montrer les corps, les plans obscurs, floutés, tout le temps insaisissables, ne finissent par aboutir qu'à l'ennui et à la répulsion la plus profonde. Impossible de ressentir quoique ce soit de ce film flottant et sans dessus-dessous, où s'entremêle discussions sur l'économie mondiale dans un avion, et scènes de coucheries bobo pudiques. C'est d'autant plus déplorable et énervant que c'est signé par un cinéaste important mais qui devrait juste, par moments, arrêter de croire qu'il a le pouvoir de changer le cinéma en filmant n'importe quoi n'importe comment. Quant à la fin (redéfinir le mot Fin : peu importe sur quelle scène le film se termine, tout n'a de toute manière aucun sens), elle ne peut prêter qu'à une franche rigolade.