Emma (qui ne s'appelait pas encore Emma) a rencontré Tancredo dans le restaurant paternel, l'a trouvé gentil et s'est laissée convaincre de le suivre dans son pays pour l'épouser. Emma était russe, pauvre, elle est devenue italienne et riche, car Tancredo est l'héritier d'une grosse fortune (industrie textile). Rebaptisée par son mari, Emma n'a d'ailleurs aucune identité propre : elle est juste Mme Recchi, et la mère des enfants Recchi. A l'aube de la cinquantaine, la grande bourgeoise qu'elle est devenue, modèle de dignité et d'élégance, mais aussi compassée et froide, va être surprise par un attachement très inapproprié - elle s'éprend d'Antonio, un jeune "chef" plein d'avenir, et le meilleur ami de son fils Edo... Cette fois-ci, c'est enfin l'Amour. Un drame, qu'elle a accidentellement provoqué, lui fera comprendre qu'elle a, pendant toutes ces années "Recchi", endossé un vêtement d'emprunt, et que son seul "amore" sera désormais son jeune amant, alors même qu'elle fuit, pieds nus et hagarde, le superbe domaine de sa belle-famille. L'esthétique de ce film de Luca Guadagnino (peu connu chez nous) est remarquable, et c'est son principal atout (avec, j'y reviendrai, la présence de Tilda Swinton). Mais les décors et les costumes, magnifiques, les images très travaillées etc. cela plombe aussi pas mal cet "Amore" doré sur tranches : trop précieux finalement, quasi chichiteux (on comprend que "Vogue" ait adoré !), avec trop d'effets appuyés (beaucoup trop de statues qui pleurent, par exemple).
Reste la majestueuse Tilda, souveraine en grande bourgeoise milanaise, de la trempe d'une Silvana Mangano, qui aurait aussi ébloui dans un tel rôle. Moins de forme, plus d'épaisseur, et ce film aurait pu s'inscrire dans l' héritage viscontinien, dont il n'a, en l'état, que de rares fulgurances.