Révélé comme acteur en 1980, à l'âge de 19 ans, dans "Allons z'enfants" de Yves Boisset, le wallon Lucas Delvaux est devenu, tout en continuant régulièrement à faire l'acteur, un réalisateur confirmé.Sa trilogie de 2003 et "La raison du plus faible" en 2006, l'ont même placé très haut dans le cœur de nombreux cinéphiles. Pour "Rapt", Lucas Belvaux s'est clairement inspiré de l'affaire de l'enlèvement du baron Empain, qui s'est déroulée en 1978. Toutefois, il a choisi de transposer l'histoire à notre époque, ce qui n'est pas sans modifier la perception que beaucoup peuvent avoir sur les capitaines d'industrie. Le film comprend 3 parties : avant l'enlèvement, pendant et après. La première, très courte, est exceptionnelle dans la mesure où elle prouve la faculté qu'a Belvaux à dresser sans enrobage inutile le portrait d'un individu : en 5 minutes, on sait tout sur Stanilas Graff, son métier, ses infidélités, son addiction aux jeux. La deuxième alterne les scènes peignant la vie du captif et celles abordant tout ce qui se passe en dehors et qui le concernent, tant dans sa famille que dans ses affaires et dans la police. La troisième montre comment le retour peut s'avérer aussi difficile, voire plus, que la captivité elle-même. Lucas Belvaux, homme de gauche, n'a certainement pas une sympathie énorme pour un industriel comme Empain/Graff, particulièrement égoïste et passablement détestable. Mais, d'un autre côté, et pour les mêmes raisons, il considère qu'"enchaîner un homme est inacceptable, humainement insupportable". C'est sans doute pourquoi, au final, on ne ressent ni réelle empathie ni franche aversion pour le personnage joué par Yvan Attal. La distribution est étincelante, avec, entre autres, Anne Consigny, André Marcon, Françoise Fabian, Alex Descas et Michel Voïta au sommet de leur art. Avec ce film, après "Le Prophète" et "à l'origine", on est certain que, cette année, le cinéma français a damé le pion au cinéma américain.