Présenté à Cannes dans la section Un Certain Regard, "Wendy et Lucy" a reçu un excellent accueil de la critique, Le Monde le qualifiant d'"un des plus beaux films du Festival de Cannes". A la lecture des critiques, on relève pêle-mêle : "minimaliste", ""humilité", "géostationnaire", "fil ténu" ou "minimum" ; dans Dvdrama, Romain LeVern synthétise cet avis quasi unanime : "Reichardt guette la sincérité à fleur de peau de l'actrice, comme l'éclat du non-événement".
L'éclat du non-événement. Diantre. Le non-événement, je l'ai clairement identifié : une lointaine cousine de Christopher McCandless perd son toutou, 80 minutes. L'éclat, plus difficilement. On comprend certes le propos de Kelly Reinhardt, montrer à travers cette histoire simple l'état d'une certaine Amérique, et sur ce plan, elle y parvient plutôt bien avec des détails qui s'intègrent au récit : un homme très âgé forcé de travailler comme vigile sur un parking, un handicapé en fauteuil qui gagne quelques dollars en revendant des canettes vides au recyclage, un jeune employé qui fait la morale à Wendy pour avoir volé deux boîtes de nourriture pour chien avant de la remettre à la police, autant de visages de la crise des Etats-Unis après 8 ans de présidence Bush.
Parce qu'elle partage avec Gus Van Sant son goût pour Portland, certains évoquent une proximité avec le réalisateur d'"Elephant". On peut effectivement repérer des similitudes factuelles, comme les balades dans la forêt de "Last Days", ou les trains de marchandise de Portland de "Paranoïd Park" ; mais la comparaison s'arrête là, car on ne retrouve pas la capacité d'envoûtement propre à GVS, vu la sécheresse de la réalisation et du jeu de Michelle Williams revendiquée par Kelly Reichardt.
Une nouvelle fois, on se retrouve confronté à l'équation impossible : comment rendre intéressant le quotidien et l'anodin, sans plonger le spectateur dans l'ennui ? A coup de longs travelings latéraux en plan large sur Wendy qui joue à la baballe avec Lucy, de plans fixes lointains sur Wendy qui sillonne la ville à la recherche de son animal, de toilettes sommaires dans les W.C. d'une station service, Kelly Reichardt place une telle distance par rapport à son personnage qu'il faut vraiment en vouloir pour ne pas s'en désintéresser.
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