Présenté à Cannes en 2008, Les Trois singes, cinquième long métrage de Nuri Bilge Ceylan, a remporté le Prix de la Mise en scène. Le jury était présidé par Sean Penn. est un habitué de la Croisette. Ses deux précédents films, Uzak et Les Climats avaient déjà été en lice pour la Palme d'or. Uzak avait décroché le Grand Prix du jury et valu à ses deux comédiens principaux un Prix d'interprétation. Mais dès 1995, on avait pu voir sur la Croisette son court métrage Koza. Après avoir reçu son prix, le réalisateur a déclaré : "Je suis ravi de cette récompense. C'est un des Prix auxquels je tenais le plus, car il souligne en général la créativité; Je crois que mon pays en a autant besoin que moi et j'en suis d'autant plus heureux."
Le cinéaste précise ses intentions : "Du plus loin que je me souvienne, j'ai toujours été intrigué, fasciné et en même temps effrayé par les manifestations du spectre incroyablement large de la psyche humaine. J'ai toujours été étonné d'observer la coexistence, au sein de l'âme humaine, du goût du pouvoir et de la capacité à pardonner, de l'intérêt pour les choses les plus sacrées comme pour les choses les plus banales, de l'amour comme de la haine. Et ce qui me pousse à faire des films, c'est cette volonté de comprendre notre monde intérieur qui ne peut être formulé rationnellement. Le film aborde ce type de situation émotionnelle et psychologique, en mettant en scène une intrigue chargée des relations complexes et violentes qui se développent entre les quatre personnages principaux. J'ai tenté de dramatiser les pensées abstraites, les croyances et les conflits conceptuels que nous vivons au plus profond de nous-mêmes, en les personnifiant à travers les protagonistes de ce récit. Ce qui surprend le plus ici, c'est la déviation qui bouleverse tout l'ensemble, le chemin de traverse qui se sépare de la route principale. Par exemple, ce moment où un être courageux se retrouve soudain à genoux, tremblant de peur. Ou bien, cet instant où un lâche fait soudain preuve de bravoure. Tenter de comprendre la nature humaine et mieux nous comprendre nous-mêmes, la décrire à travers des écarts de ce genre, c'est ce que nous avons voulu mener à bien dans cette histoire."
Lors de la conférence de presse cannoise, Nuri Bilge Ceylan revenait sur le choix du titre : "On a essayé plusieurs titres de film, mais je pense que Les Trois Singes était celui qui convenait le mieux, parce qu'il y a beaucoup de situations dans le film où les personnages jouent comme les "trois singes". Ils font semblant pour se protéger. Le fils fait semblant de ne pas voir sa mère, le père fait semblant de ne pas entendre la voix du patron. C'est quelque chose qu'on fait également dans la vie. On fait les trois singes, on fait semblant de ne pas entendre, de ne pas voir. On a aussi pensé au titre Daydreams. Mais Les Trois Singes, c'est une sorte de mythe, et par conséquent je voulais m'en servir. C'était quelque chose d'étrange, quelque chose d'inattendu venant de ma part. Eric Lagesse ne voulait pas de ce titre, qu'il ne trouvait pas assez vendeur. On a eu quelques discussions à ce sujet."
Avant Les trois singes, Nuri Bilge Ceylan avait toujours écrit seul les scénarios de ses longs métrages. Cette fois, il s'est adjoint les services d'Ercan Kesal mais aussi de sa compagne Ebru Ceylan. Celle-ci jouait le rôle principal des Climats aux côtés de son mari.
Nuri Bilge Ceylan justifie la décision de ne pas montrer un évenement-clé du film : l'accident de voiture : "On a tourné la scène de l'accident au début. Et quand j'ai fait le montage, j'ai décidé de ne pas le montrer. Et pourtant, je m'étais donné beaucoup de mal pour tourner cette scène. On avait dépensé beaucoup d'argent. Au moment du montage, j'ai pensé qu'il était préférable que le spectateur recrée l'accident dans sa propre imagination. C'est comme lorsqu'on lit un roman."