J'adore vraiment Werner Herzog, c'est quelqu'un pour qui j'ai un profond respect parce que j'aurai adoré faire ce qu'il fait, aller partout où il va, vivre ce qu'il vit, etc. D'habitude je n'aime pas me projeter de la sorte sur quelqu'un, surtout quelqu'un qui existe réellement, après tout ne suis-je pas assez grand pour vivre mes propres expériences ? Mais Herzog c'est vraiment particulier, car j'ai l'impression que l'on a des visions du monde qui se rejoignent fortement, cet attrait pour l'humain tout en étant dégoûté de la civilisation, le tout avec une vision assez chaotique du monde, où rien n'a de sens et où l'être humain est tout petit face à la nature, face à l'univers.
Il le dit à plusieurs reprises dans ce film, et les gens avec qui il s'entretient sont persuadés que l'humanité s'apprête à disparaître. D'ailleurs je me demande même si à un moment il ne le fait pas dire lui en passant volontairement un extrait du film "Them" (reconnaissable entre mille, j'étais comme un gamin lorsque j'ai reconnu le film juste à sa bande son), parce que je crois qu'il s'agit de la bande-annonce (mais j'ai peut-être de mauvais souvenirs) et je vois mal des gens s'asseoir tous ensemble pour regarder une bande annonce. Mais je pinaille.
Et non seulement sa vision est en adéquation avec la mienne, d'ailleurs je me demande s'il ne créé pas quelque part une sorte de spiritualité dans son rapport à l'Homme, à la nature et au chaos, mais en plus ses films me font profondément mal, aussi mal qu'ils sont beaux. Et ceci parce que Herzog sait poser les bonnes questions, celles dont il veut connaître la réponse et donc moi aussi, il sait utiliser la voix off pour préciser quelque chose, pour rebondir sur ce qui est dit, c'est vraiment une invitation à voir le monde de par ses yeux. Par contre si jamais on n'adhère pas à son point de vue de je me demande si on peut apprécier, parce que c'est franchement radical.
Herzog parcourt le monde, partout où je veux aller, dans la jungle, au Gasherbrum, en Alaska et maintenant en Antarctique et à chaque fois nous livre une vision similaire du monde, il sait chercher ce qu'il y a de plus intéressant dans l'homme, dans les relations humaines et dans le rapport avec la nature. Parce que oui, lorsque je vois ces gens, je me dis que ma place est là-bas, en Antarctique, au bout du monde à conduire une pelleteuse, à faire des recherches sur des poissons, à étudier un volcan, loin de tout et où dès qu'il y a trop de monde, partir encore plus loin pour finir comme ce chercheur sur les manchots par être taciturne et ne plus trouver d'intérêt dans la parole. J'adore les questions que peut poser Herzog pour biser la glace, ce qui est sans doute biologiquement l'une des questions les moins pertinentes du monde, mais qui finalement, humainement dit quelque chose.
C'est tout l'absurdité du monde qui ressort de ce film, la course aux records, et le passage très drôle sur le premier type qui montera l'Everest pieds nus ou qui atteindra le pôle sud en échasse sauteuse, mais aussi le fait qu'en ce moment des langues disparaissent dans l'indifférence générale et tant qu'alsacien je suis forcément touché, ces langues locales et leur culture sacrifiées après 1945... Ou encore, cette scène absolument touchante où l'on suit un manchot qui arrête de suivre ses camarades pour se diriger vers les montagnes à 70km de là et que rien ne fera jamais changer d'avis, même s'il est voué à une mort certaine. Je ne savais pas s'il fallait rire ou pleurer.
Parce que c'est bien de ça dont il est question, de folie. De folie présente autant dans le règne animale que chez l'homme.
En parlant d'hommes, les personnages présentés ici, on dirait vraiment des personnages inventés, des vrais personnages de films ou des PNJ de jeux vidéos dont on ne peut pas croire qu'ils existent réellement. Et pourtant. Entre la personne passionnée par l'alignement de ses propres phalanges montrant qu'il descend des rois incas ou je ne sais plus quoi, ou la fille qui a tout vécu (et accessoirement même faire du stop entre l'Amérique du Nord et l'Amérique du Sud, ce qui est étonnant vu qu'il n'y a pas de routes...) qui pour amuser la galerie se met dans un sac de voyage pour mettre en scène sa propre aventure...
Je me dis que oui, j'aurai bien ma place chez ces gens.
Mais d'un autre côté si j'adorerai vivre avec eux quelques mois, je ne pense pas avoir leur don d'abnégation, je ne pourrai pas sacrifier ma vie à ça, faut que je fasse autre chose, que je voie d'autres choses et finalement je me dis que je ne suis peut-être qu'un nomade, un globe trotteur dans l'âme qui aimerait chérir un coin de terre aussi atypique et s'y installer pour profiter en profondeur des merveilles du monde afin de devenir un spécialiste.
En fait ce film est avant tout un miroir sur soi-même, qui pose plein de questions et où l'on apprend bien plus sur soi que sur l'Antarctique.
Après je pense avoir préféré Into the abyss et Grizzly Man car le fait qu'il y ait moins de personnages permet de plus s'intéresser à eux, d'être plus empathique, de plus s'investir dans leurs histoires. Mais globalement ces films sont tous absolument géniaux et à voir pour apprendre qui on est et ce que l'on monde peut nous offrir et ce que la société nous prend.