C'est "Cinema Paradiso" pour les pornographes. C'est l'enfance de Tarantino remixée aux philippines. C'est le coeur bouillant d'une ville entière qui palpite à l'écran, au milieu des couleurs saturées, des mouvements saccadés et de la nuisance sonore du trafic urbain qui sert de fil musical à la totalité du film. Dès le générique de départ, la pellicule amochée fait défiler les noms avec le bruit incessant de la bobine qui tourne infiniment derrière. L'effet est réussi ; il m'a semblé être perdu quelquepart au milieu d'un cinéma de quartier philippin, dans lequel deux ou trois prostituées ou quelques gays déambuleraient à la recherche de 'services' . Ô perverse illusion du cinéma. Le film perd vite de son charme dès qu'il aligne sa tempête sonore, son tourbillon à la fois vide et entier de personnages qui se croisent, s'aiment, se défont par secondes, se baisent, se lovent, se touchent, se sucent, qu'ils se draguent, se livrent à un petit jeu de séduction qui se mue rapidement en prostitution, qu'ils sont là, devant un film érotique, scrutés dans l'obscurité par nous et l'obscurité de notre salle. "Serbis" peut alors vite devenir passionnant, à l'unique condition de bien vouloir rentrer dans le jeu, non pas malsain, d'une population, ou d'une famille plutôt, incapable de n'être autre chose que les instruments éphémères d'une foire sexuelle sans réel enjeu politique ou social. Le film, plutôt que de plaindre la condition humaine aux Philippines, sujet qui aurait ceci dit eu bien interêt à se développer ailleurs dans un autre film aux buts et aux conditions différentes, préfère plutôt vivre du cinéma, car on est là pour ça, pour jouer et déjouer le réel. La caméra embarquée, presque hystérique et en temps réel, construisant la suite par une épopée de plans-séquences en allers/retours et en effets miroirs, peut vite nuire à la lisibilité du film. Mais elle est là comme un gag ou une épreuve (que les protagonistes semblent subir pour décrire au mieux leur réalité), sans