Le titre original ("Triage"), qui renvoie à l'image terrible et obsédante des deux couleurs jaune et bleue (la première pour survivre, la deuxième pour mourir) distribuées par un médecin kurde dans un très rudimentaire hôpital de campagne pershmerga, est assurément plus éclairant que le "Eyes of war" choisi par les distributeurs français, même si ce troisième long de fiction de Tanovic est (en partie) un film de guerre, et si son héros est photographe de presse. Parti en expédition avec son meilleur ami, David (Jamie Sives, vu récemment dans "Le guerrier silencieux"), freelance comme lui, Mark (Colin Farrell) revient seul en Irlande, blessé et traumatisé. Où est donc David, parti pourtant d'Irak avant Mark, impatient qu'il était de rejoindre Diane, (Kelly Reilly) son épouse sur le point d'accoucher ? La réponse est sans doute dans les méandres de l'esprit de Mark, en pleine somatisation depuis son retour chez lui. C'est le grand-père (Christopher Lee) de la femme de Mark, Helena, (Paz Vega) qui, en ancien psychiatre réputé, saura provoquer l'aveu salvateur, première étape sur la voie de la résilience pour le jeune homme torturé.
Evidemment la trame "guerrière" n'est pas inédite (mais sa précision quasi documentaire passionne), évidemment l'analyse est un peu elliptique (mais le film ne dure qu'1 heure 35 mn, et ses étapes sont forcément ramassées, contraintes cinématographiques obligent). En tout cas, à elle seule, l'interprétation force l'admiration : Lee en clinicien en impose, mais c'est surtout Farrell dont on doit retenir la prestation - magnifique de fièvre et de tourments, du grand art.