Sam Mendes qui n'avait tourné que quatre films en dix ans, nous gratifie de deux réalisations en moins d'une année. Sur un thème identique, celui de la durée dans le couple, il nous propose deux variations totalement opposées. "Les Noces rebelles" était un film pessimiste avec des stars, une tension permanente, une photographie impeccable et tous les attributs du film de studio. "Away we go" est un film optimiste avec des acteurs quasi-inconnus, un rythme indolent, une photographie quelconque et toutes les apparences d'un film indépendant.
Loin du couple glamour Leo-Kate, John Krasinski qui joue Burt et Maya Rudolf qui interpréte Verona, ont visiblement été castés pour leur physique de M. et Mme Tout-le-Monde, renforcé par une barbe, une coiffure approximative et de grosses lunettes pour lui, un bide proéminent et des dreads pour elle. Même si Burt a un métier "sérieux", leur mode de vie ne correspond pas aux stéréotypes de la middle class, et ils habitent une barraque en lisière de la fôrêt et se déplacent dans une vieille Volvo, la marque préférée du cinéma américain pour suggérer un petit côté écolo-bohême.
Quand s'annonce l'arrivée de leur premier enfant, une fille, ils se rendent comptent qu'ils n'ont pas encore "les bases", sous-entendu ce que doit avoir un ménage avec enfant : maison, réseau social et familial, bref ce que Franck et April Wheeler avaient depuis longtemps à leur âge. Commence alors un voyage à travers le continent nord-américain pour tester les différents modes de vie de leurs connaissances. On se régale d'avance, en se disant que le réalisateur de "American Beauty" aura la cruauté nécessaire, et celui des "Noces rebelles" l'acuité du regard pour dépeindre ces différents états du couple.
Las, on n'a vraiment ni l'un ni l'autre. Quand il y a une ébauche de cruauté, elle est noyée sous l'outrance de la caricature, comme le couple de beaufs qui les accueillent à Phoenix, vulgaires et pathétiques, flanqués de deux enfants obèses pour lesquels on brûle d'appeler le 119 ou son équivalent américain, ou celui des babas-cools qui voient dans la poussette une volonté de chasser l'enfant loin de sa mère. Quant à l'acuité, elle ne se manifeste que par intermittence, sur leurs amis de fac à Montréal qui adoptent de nombreux enfants mais souffrent de ne pouvoir avoir les leurs.
Heureusement, il y a la relation entre Burt et Verona qui suffit à rendre le film intéressant, bien plus que les rencontres qu'ils font et qui se réduisent finalement à une suite de sketchs. Même si ça patine parfois, les interrogations ("Est-ce qu'on a la louze ?") et les affirmations ("Personne ne s'aime comme nous") de ces deux personnages atypiques réussissent à nous les rendre à la fois crédibles et attachants, dans leur différence vis à vis des variations anxiogènes de l'american way of life.
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