Avant de voir le film, asseyez-vous confortablement, et attablez-vous bien. Remplacez votre fourchette par une télécommande, et démarrez sans trop tarder un festin légèrement amer.
Certes, il arrive de vouloir davantage faire avaler de la vitamine C pure à Luc Moullet qu’une banane. Parce que, soyons francs, Luc Moullet se complait dans un montage à rythme d’usine en faillite depuis une dizaine d’années. Néanmoins, le film ne perd pas sa saveur. Le sujet est fort, et Luc Moullet confronte les points de vue avec une grande habileté. Il ne tombe jamais dans le misérabilisme ou dans un film à thèse manichéen. Le film surprend surtout par sa grande modernité ; traiter de la mondialisation alors que celle-ci est encore au berceau, en en décryptant tous les rouages, de manière didactique, c’est très fort.
Bien sûr, une pincée d’humour made in Luc Moullet assaisonne le plat. On aime, ou on n’aime pas, mais il y en juste ce qu’il faut.
Le dessert est magistral ; une fine mise en abyme, qui n’est pas la constatation de l’échec d’une alternative, mais la prise de conscience que le réalisateur n’est qu’un passeur, et que, seul, il ne peut rien changer.
Malheureusement…la conscience éclairée, on retourne dans la cuisine ouvrir une boîte de thon parce qu’il n’y a rien d’autre à manger, et puis, pour se changer les idées, on épluche une banane…