Pour son premier long métrage, Yoshishige Yoshida fait preuve d'une maîtrise impressionnante. Clairement influencé par la Nouvelle Vague française (on peut penser par exemple à «Ascenseur Pour l'Échafaud»), «Bon à Rien» tient lui aussi à retranscrire la réalité d'une jeunesse jusqu'alors représentée avec trop de complaisance dans le cinéma japonais traditionnel. Pourtant à première vue «Bon à Rien» paraît à bien des égards constituer lui-même un classique instantané : beauté de la mise en scène et de la photographie en noir et blanc, jeu des acteurs parfaitement millimétré, scénario parfaitement construit, intrigue qui se rapproche presque parfois du cinéma de genre,... Mais ce serait oublier le propos désabusé et subversif si typique de cette époque : en plus des français viennent à l'esprit des cinéastes tels que le Fellini des «Vitelloni» et de «La Dolce Vita» ou Antonioni. L'ennui, le désoeuvrement, le jeu de l'amour et la fausseté des sentiments, le couple, le mariage, la paternité, autant de thématiques centrales. Mais aussi la question du libéralisme économique et même éducatif : sont évoqués par Yoshida, non sans amertume (« l'homme est un loup pour l'homme ») les conséquences du développement du capitalisme et de la société de consommation (surconsommation, endettement, standardisation de la vie, etc.) au Japon, comme la perte des valeurs traditionnelles et la remise en cause de la famille telle qu'on pouvait la concevoir auparavant. «Bon à Rien» c'est la chronique de jeunes livrés à eux-mêmes, mais tout autant d'un père absent, trop sage ou pas assez responsable. Il constitue donc une sorte de drame sociologique, l'instantané d'une époque, afin de mieux en révéler les contradictions et les enjeux qui s'y rapportent. Un excellent film de la Nouvelle Vague japonaise, à voir sans hésiter! [2/4] http://artetpoiesis.blogspot.fr/