J'attendais beaucoup ce nouveau film de Damien Chazelle après l'excellent Whiplash et le non moins intéressant La La Land (moi qui n'ait pourtant aucune affinité avec le genre de la comédie musicale). Que dire sinon que j'ai été parfaitement comblé ? En fait, mes attentes ont été davantage que comblées : elles ont été déjouées par la proposition du film et largement dépassées. Le thème de l'espace invitant au vertige de l'immensité du vide et aux plans faisant la part belle à cette sensation d'être minuscule face au gigantisme de l'univers, j'imaginais me retrouver face à ce genre d'imagerie. Eh bien non (malgré la présence d'images somptueuses, mais pas forcément du genre attendu). Plutôt que de mettre en avant "l'effrayant silence de ces espaces infinis", Chazelle opte pour une vision extrêmement humaine et proche des personnages de la conquête spatiale. Il favorise ainsi un sentiment de claustrophobie exacerbé, ce qui peut paraître paradoxal au vu du sujet... ceci étant, non seulement cela fonctionne parfaitement mais c'est en plus terriblement pertinent.
Car cette odyssée telle que racontée ici est avant tout celle d'un homme : Neil Armstrong (et plus généralement des astronautes et ingénieurs de la NASA, mais le film s'attarde tout particulièrement sur le "premier homme" comme le titre l'indique). Le professionnel et l'intime sont extrêmement liés pour ce personnage entré dans l'Histoire. Et c'est sur l'intime que j'ai été particulièrement bouleversé : si l'issue globale du film est évidemment connue d'avance, la vie privée d'Armstrong est nettement moins notoire pour le grand public. Sans rien dévoiler, je me contenterai de dire que la complexité de l'homme, de par son caractère et les épreuves qu'il a traversées, le rend absolument fascinant et qu'elle est ici abordée de façon plutôt sobre, toute en retenue, en évitant l’écueil de la facilité larmoyante racoleuse (quand bien même l'émotion est bel et bien présente).
A côté de ça, toute la partie technique, les progrès, les échecs, les diverses missions sont donc bien sûr traités comme il se doit, et ce avec brio. La mise scène, diablement efficace, nous place directement aux côtés des astronautes, à l'aide de plans resserrés et d'une caméra épaule quasi documentaire rendant l'immersion totale ! Dans les cockpits, le travail sonore effectué est monstrueux : les craquements de la taule, les alarmes, la sensation que la capsule peut céder à tout moment... les scènes de "mission" sont absolument saisissantes !
Toujours sur l'aspect sonore, la musique composée par Justin Hurwitz est magnifique. A l'image du film, le plus souvent en retenue, le thème principal, élégant et tout en finesse, dégage une mélancolie latente pendant presque tout le film et reste en tête après le visionnage. Mais d'autres passages, plus amples, subliment les images qui s'offrent à nous. Une pépite !
Un mot sur le casting : parfait. Gosling ne plaît peut-être pas à tout le monde mais à mon sens il livre une prestation remarquable, qui colle parfaitement au personnage d'Armstrong. Ce n'est pour moi pas inexpressif, c'est intériorisé : je trouve que l'émotion passe très bien (les regards, la gestuelle) au delà de sa froideur apparente. Claire Foy, dans le rôle de Janet Armstrong, n'est pas en reste et est bien loin de n'être que la "femme du héros qui n'est bonne qu'à avoir peur pour son mari". Les seconds rôles, certes moins mis en avant, sont néanmoins campés par toute une galerie de très bons acteurs : Jason Clarke, Kyle Chandler, Ciarán Hinds, etc.
Au final, un film passionnant de bout en bout ! Sa lenteur pourra éventuellement en rebuter certains qui s'attendraient à plus "d'action" et de "spectaculaire" mais pour moi le rythme est parfait et je ne me suis pas ennuyé une seule seconde (rythme et rapidité sont deux choses très différentes). Je n'ai pas réellement de reproche à faire : Aldrin et Collins sont peut-être un peu trop en retrait, et la partie proprement lunaire est peut-être un peu courte... mais c'est finalement justifié par les partis pris de réalisation et donc parfaitement cohérent. Et cette fin ! Elle m'a littéralement laissé sans voix. Un gros coup de cœur en somme, bien parti pour figurer parmi mes films préférés de l'année... si ce n'est atteindre la première position, rien de moins !