Je n’avais pas été emballée par les deux premiers films de Damian Chazelle, « Whiplash » et « La la Land », et je ne suis pas non plus une immense fan de Ryan Goslin mais « Firt Man », je ne l’aurais raté pour rien au monde pour une raison et une seule : la conquête spatiale est un sujet qui me passionne. Bizarrement, l’histoire d’Apollo 11 n’avait jamais fait à ce jour l’objet d’un vrai grand film de cinéma. « L’Etoffe des Héros » avait effleuré le sujet, « Apollo 13 » aussi d’une certaine manière. Mais cette fois, on y est ! Et c’est bien l’histoire personnelle de Niel Armstrong qui est mise en scène. Et oui, me voilà réconciliée avec le cinéma de Damien Chazelle avec « First Man », comme « Dunkerque » m’avait réconcilié avec Christopher Nolan. Ici, tout son talent de réalisateur saute aux yeux. Le film est long, plus de 2h20 et pourtant on ne décroche jamais. Le scénario fait des bons dans le temps, parfois des bonds assez importants, il débute en 1961 lorsque Armstrong est encore pilote d’essai. La scène d’ouverture, lors d’un essai qui aurait pu mal tourner, donne le ton du film. Chazelle joue avec le son, passant du vacarme au silence, place une musique parfaitement calibré quand il le faut, et il l’arrête quand il le faut aussi pour laisser place à un silence total, parfait, un silence presque assourdissant, ce qui est trop rare dans le cinéma moderne. Même dans les scènes intimistes, chez Armstrong, parfois le silence dure et s’impose et valent 1000 dialogues. Et puis, certaines scènes sont merveilleusement bien filmées, notamment la scène de décollage d’Apollo 11 ou l’alunissage d’Eagle, visuellement, c’est superbement bien rendu, on s’y croirait presque. Avec un sujet comme celui là, il y a cent occasions de faire des plans superbes, et Chazelle ne s’en prive pas, pour le vrai plaisir des yeux des spectateurs. Non franchement, dans la forme, « First Man » cache toute les cases du film hyper maitrisé, hyper produit, bien calibré et surtout visuellement (et auditivement) inoubliable. C’est un film à voir impérativement en VO et sur grand écran, ça ne se discute même pas. C’est à Ryan Goslin que revient la lourde charge d’incarner cet homme si taiseux, si sérieux qu’était Niel Armstrong et je dois dire qu’il s’en sort très bien. Armstrong maitrisait toujours ses nerfs en public et en mission, ne s’autorisant à craquer que lorsqu’il se retrouvait seul. C’est sans doute à cause de ces qualités de sang froid inouïes qu’il fut choisi par la NASA. La perte de sa toute petite fille, en 1961, le hante, elle le hantera jusque sur le sol lunaire. Pendant que Buzz Aldrin fait des sauts de cabris comme un gamin, lui pleure sa fille au bord d’un cratère, dans une scène assez bouleversante, bien plus bouleversante que lez scènes de début du film sur le même thème. Difficile pour un acteur de jouer un homme si peu expressif, un homme aux émotions tues, rentrées, un homme en apparence si lisse. Goslin se coule dans ce rôle et lui donne la froideur apparente qui lui convient, sans jamais tomber dans la caricature. A ses côtés, on souligne la bonne performance de Claire Foy. Janet Armstrong rêvait dune vie bien rangée mais par amour, elle devient l’épouse d’un homme qui va aller sur la Lune mais qui est incapable de dire « au revoir » à ses enfants. Son rôle est bien plus riche qu’on ne le croit et la place de Mme Armstrong était bien plus complexe qu’on ne l’imagine. Et puis il y a Jason Clarke, Corey Stoll (j’adore cet acteur, et j’espère le voir un jour autrement que dans un second rôle) ou encore Kyle Chandler, qui font le job sans fausse note. Je ne suis pas incollable sur la conquête spatiale, même si elle me fascine, alors je ne peux pas juger de la véracité de tout ce qui est décrit dans « First man ». Cela dit, le scénario évite de présenter la conquête de la Lune comme une aventure épique, dévolue à des hommes exceptionnels. Les échecs parsèment le programme Gemini (tout le passage avec Gemini 8 donne le tournis, dans tous les sens du terme), et le programme Apollo débute par le drame absolu de 4 astronautes brulés vifs sur le pas de tir. Armstrong et Aldrin ne s’apprécient pas plus que cela, 100 fois le programme à failli être abandonné à cause de son cout ou des protestations habituelles de ceux qui pensent que « L’argent serait mieux utilisé ailleurs ». Franchement, la réussite d’Apollo 11 tient du miracle technologique et humain, parce qu’on se rend compte avec « First man » que les américains sont allés sur la Lune dans des boites de conserve ! La scène de début, la mésaventure de Gemini 8 et surtout les 40 dernières minutes, sont des morceaux de bravoure et d’intensité que seul le cinéma peut apporter. On a beau savoir comment l’aventure va finir, l’alunissage d’Eagle est tellement impressionnant qu’on n’en reste cloué sur notre siège. Il y a dans « First man » un vrai souffle, mais pas au détriment de l’humain, des sentiments comme le chagrin ou la peur. C’est parfaitement dosé, c’est parfaitement équilibré, c’est une vraie réussite. Au rayon des petits défauts, j’ai bien du mal à trouver quoi dire, si ce n’est que les relations un peu difficile Armstrong/Aldrin auraient pu être mieux exploitées (on sait qu’Aldrin aura toujours eu en travers de la gorge de ne pas avoir été le premier), ou que Chazelle aurait pu aussi souligner l’importance de l’armée américaine dans l’aventure spatiale. Les 3 astronautes étaient des militaires ou des anciens militaires et ce n’est jamais dit. Au contraire, on présente Armstrong comme un civil, ce qui est étonnant : en pleine guerre froide, jamais l’armée US n’aurait laissé un civil être le premier américain sur la Lune ! Mais qu’importe au fond ces petites lacunes car « First man » est un moment de cinéma merveilleux, qui mêle parfaitement le grand spectacle, le suspens et la poésie, le tout bercé par une musique parfaite et des images inoubliables !