Marre d'une télévision montrant toujours les mêmes programmes ? Fatigué d'un cinéma qui ne prend pas de risques pour bousculer vos habitudes ? Vous avez alors rendez-vous en Belgique avec trois hommes inconnus. Un cameraman, un preneur de son, et un tueur professionnel. Tous les trois vous emmèneront dans un parcours initiatique, celui de l'homme et de son rapport à la morale. Celui du spectateur et de son lien vis à vis de la culture. Bon voyage à tous.
En plein essor dans les années 1990 (et devenant franco-belge en 1992), l'émission Strip-tease est la première inspiration de C'est arrivé près de chez vous. Dotée d'un humour fracassant, cette grande masse dégingandée noir et blanche qu'incarne Poelvoorde, aussi maladroite dans son allure qu'habile dans les meurtres, représente l'ambivalence même de ce faux documentaire. Doit-on rire ou avoir peur ? L'équipe technique aidant Ben à commettre ces tueries, nous participons également à ce travail macabre, nous mettant dans une position des plus inconfortables et transcendant à son paroxysme ce principe de voyeurisme télévisuel.
Par sa première scène, Rémy Belvaux montre comment il compte procéder avec le spectateur. Alors que ce dernier ne sait pas ce qui l'attend, il se retrouve dans un train avec un homme débarquant de nulle part, et se mettant à étrangler une jeune femme. Saisi de stupéfaction et lui aussi prit à la gorge, le public aura cette douloureuse sensation durant tout le film. Surtout lorsqu'on remarque avec effroi que le criminel est tout sauf un idiot décérébré, mais bien un homme cultivé maniant la langue française avec dextérité et élégance.
Il est passionnant de regarder le premier long-métrage dans lequel apparaît un brillant interprète, caméléon cinématographique pouvant se faufiler dans la peau de n'importe quel personnage. Avec C'est arrivé près de chez vous, Poelvoorde commence de la plus belle et essentielle des manières : en incarnant un tueur froid cynique et déjanté. Avec ce personnage, le belge (qui n'était pas destiné à devenir acteur) nous montre tout ce qu'il pourra faire de meilleur par la suite. En nous faisant peur (Entre ses mains), rire (Podium), mais aussi pitié (Les émotifs anonymes), le belge envahit pour son premier rôle le cadre avec brio comme s'il avait fait cela toute sa vie.
N'ayant aucune limite et atteignant les maux les plus profonds (meurtre d'enfant, viol), le trio belge enflamme tout sur leur passage en ne laissant plus aucune place à la rationalité. Mais ce qu'il y a de plus effrayant, c'est qu'ils semblent « normaux » en étant inscrit socialement dans une communauté établie. La frontière entre le bien et le mal n'existe plus, et seul le néant persiste dans ce cauchemar cinématographique. Ce délire que nous nous délectons de voir encore et encore et poussant notre masochisme à un stade inquiétant est devenue une œuvre culte. En somme, le septième art comme pur catharsis.