Un couple mythique, deux jeunes acteurs au charme indéniable, un scénario réunissant tout ce que l’Amérique conservatrice méprise. A l’été 1967, la sortie de Bonnie and Clyde choque les archétypes et galvanise la jeunesse protestataire. Retour, 50 ans après, sur le film du couple de hors-la-loi le plus célèbre du septième art.
« Ils sont jeunes ! Ils sont amoureux ! Et ils tuent des gens ! » Tel était le slogan promotionnel de Bonnie and Clyde, un film discrédité avant même sa sortie en salles pour la « glamorisation » qu’il faisait des deux tueurs, par la suite dénoncé pour sa violence et son humour noir. Tant d’actes qui ne l’empêcheront pas d’obtenir un accueil critique (dix nominations aux Oscars) et public impressionnant. Focus sur le film dit « le plus français des films américains ».
Avant tout, il faut savoir que Bonnie and Clyde est réputé pour être un film culte mais aussi le tout premier succès du Nouvel Hollywood, un mouvement cinématographique américain de la fin des années 1960 au début des années 1980 qui modernise de façon significative la production de films à Hollywood. Ce cinéma est influencé par divers courants cinématographiques européens telle que le néoréalisme italien et la Nouvelle Vague française. Ainsi, alors qu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale c’est plutôt les cinéastes français qui s’enthousiasment à la découverte du cinéma américain, retournement de situation car ce sont maintenant les réalisateurs américains qui viennent puiser chez nous des idées nouvelles. Une des raisons parmi lesquelles on qualifie souvent Bonnie and Clyde comme le plus français des films américains. C’est d’ailleurs François Truffaut qui devait tenir le rôle de Bonnie à l’origine mais il préféra se consacrer au tournage de son film Fahrenheit 451. Le Nouvel Hollywood se caractérise donc par la prise de pouvoir des réalisateurs au sein des grands studios américains et la représentation radicale de thèmes jusqu’alors tabous comme la violence, la corruption politique ou encore la sexualité. Bien qu’elle soit relativement courte, cette période est considérée comme l’une des phases les plus importantes du cinéma américain. Et c’est là que l’importance du film prend tout son sens car elle est tout simplement l’œuvre fondatrice de ce nouveau mouvement qui révèlera plus tard de nombreux artistes tels que Steven Spielberg, George Lucas ou encore Francis Ford Coppola qu’on ne présente plus.
Alors c’est bien beau tout ça. Mais qui est ce célèbre couple qui fait tant parler de lui et inspire encore bon nombre d’artistes aujourd’hui ?
Bonnie Parker & Clyde Barrow, deux jeunes Américains originaires du Texas se rencontrent par hasard en janvier 1930. Elle, serveuse, et lui, fumeur de cigares coiffé d’un béret, s’associent rapidement pour devenir le plus célèbre couple de criminels américains à la tête du gang Barrow fondé par Clyde. Durant la période de la Grande Dépression, ils multiplient braquages et cambriolages, tuant au passage une quinzaine de personnes, le tout au nez et à la barbe des autorités. Puis, fin mai 1934, le couple est pris dans une embuscade. L’une des plus folles épopées qu’ait connu l’Amérique prend fin : Bonnie Parker et Clyde Burrow trouvent la mort dans un piège détenu par un ancien gendarme nommé Frank Hamer devenu légendaire depuis.
Ainsi, le long-métrage d’Arthur Penne dépeint les péripéties de nos deux protagonistes en débutant avec leur rencontre fortuite puis l’initiation directe au crime de Bonnie par Clyde. Bonnie fin prête à l’aventure le duo entame ses méfaits et devient vite complémentaire, les connaissances de l’un s’ajoutant à la débrouillardise de l’autre. S’ensuit l’enrôlement du frère de Clyde et de sa femme dans le gang Barrow fondé par Clyde et le destin tragique que l’on connaît tous.
Entre farce et tragédie, moments intimes et courses-poursuites, fous rires déments et fusillades dantesques, Arthur Penne accompagné de ses scénaristes, (qui seront respectivement nominés pour les Oscars des meilleur réalisateur et meilleur scénariste) livrent une version très glamour de l’aventure du couple de criminels et en font des êtres profondément humains en laissant apparaître leurs failles et leurs complexes.
Les trois hommes ne manquent pas non plus de reprendre certains éléments phares qui ont rendu le duo populaire, tels que leurs passions à se prendre en photos avant les délits ou encore la dernière lettre qui prend la forme d’un poème rédigé par Bonnie Parker (et qui inspirera notamment la fameuse chanson de Serge Gainsbourg et Brigitte Bardot quelques mois plus tard).
Enfin, ils nous offrent une scène d’anthologie durant les sept dernières minutes du film montrant la fin de l’aventure du couple et qui se solde dans un des silences les plus totaux.
Concernant le jeu des comédiens, c’est la crème de la crème que nous avons là. Premièrement, nous pouvons relever le charisme fou des deux comédiens principaux, à savoir Bonnie Parker and Clyde Barrow, respectivement interprétés par Faye Dunaway et Warren Beatty. Les deux acteurs affichent une merveilleuse complicité à l’écran et sont tous les deux nominés pour les Oscars des meilleur acteur et meilleur actrice. Gene Hackman et Estelle Parsons rayonnent également dans les rôles de Buck Barrow et Blanche Barrow. Logiquement ils sont aussi nominés pour les Oscars des meilleurs acteur et actrice dans un second rôle mais seule Estelle Parsons en remportera un.
L’esthétique n’est pas négligée non plus. D’une part, nous avons des costumes d’une beauté infinie. La costumière américaine Theadora Van Runkle est d’ailleurs elle aussi nominée pour l’Oscar des meilleurs costumes. En France, le film influença considérablement la jeunesse de l’époque qui, pris d’affection pour le style rebelle des héros, va emprunter le code vestimentaire de ces derniers. Ainsi, il ne va pas être rare de croiser des jeunes au look très Bonnie et Clyde dans les rues : béret, jupe longue, cheveux blonds lisses… Tout y passe.
D’autre part, le directeur de photographie Burnett Guffey sera également sacré avec l’Oscar de la meilleure photographie. Il faut dire que les décors du film sont somptueux. A noter également que le tournage de Bonnie and Clyde se déroula sur les lieux mêmes où le couple de hors-la-loi commit ses crimes. Un respect de la réalité qui donna à l’équipe du film la sensation de marcher sur les traces de leur légende...
Dernièrement, je mets en évidence la bande-originale d’une excellente qualité. Une bande-son entraînante qui rappelle le folklore du Far West et nous transporte tout au long du film au rythme des courses-poursuites effrénées des deux amants.
Je terminerai en évoquant l’impressionnante influence du long-métrage. Le film d’Arthur Penne contribue largement à faire connaître l’épopée du couple autour du globe et la pop culture va rapidement s’emparer de l’histoire de Bonnie and Clyde dans des films, chansons ou encore références dans des séries comme Malcolm… Nombre sont les artistes inspirés à commencer par Serge Gainsbourg et Brigitte Bardot en 1968, le légendaire 2Pac en 1996 ou encore Skylar Grey et Eminem en 2016.
Somme toute, voilà le constat que nous pouvons faire de Bonnie and Clyde, un road movie de gangsters brisant les tabous d’Hollywood dans un style de narration âpre, lyrique et moderne. Un film qui provoque l’engouement du jeune public par le fait qu’il met en vedette des héros aux comportements juvéniles, ludiques et en quête d’un épanouissement sexuel, soit une véritable échappatoire pour une jeunesse alors à la recherche de nouveaux repères.