Enfin j'ai pu visionner le Bonnie and Clyde d'Arthur Penn. Je trouve que c'est un très bon film. L'histoire vraie de ce couple de criminels et leur épopée sanglante à travers le Texas et le Midwest américain sert de fil rouge au réalisateur pour traiter plusieurs thèmes récurrents des États-Unis d'Amérique : la société, la violence, la liberté, ou l'amour entre autres.
Comme certains, j'analyse ce couple comme épris de liberté dans un pays où la grande dépression fait rage et où les citoyens sont humiliés économiquement et socialement :
la scène de la famille devant leur maison saisie par la banque, et dont le père (ainsi que son ouvrier agricole noir) tirant dans les vitres pour soulager son désespoir,
illustre à la fois la tristesse de la situation et que celle-ci touche tous les américains.
Une fois dans l'engrenage, nos magnifiques Bonnie Parker joué par Faye Dunaway et Clyde Barrow joué par Warren Beatty dont les interprétations vous marquent, vont se perdent dans la violence démesurée, qui a en partie façonné ce pays depuis ses débuts (à noter l'utilisation du ralenti dans les "gunfights" qui préfigure la technique que va s'approprier le maître en la matière - un de mes metteur en scène favori - Sam Peckinpah).
Le réalisateur nous montre toutes sortes d'antithèses, miroir de la société : Clyde impuissant que le maniement des armes soulage et compense ; l'amour que Bonnie voue pour cette belle gueule torturée ; la douceur de son regard et son amour de la poésie ; le manque de bon sens et d'intelligence de Duck Barrow, frère de Clyde (interprété par le jeune et prometteur Gene Hackman) et sa femme, dont l'hystérie est pathétique. Je note également que dans leur folle épopée, tous les symboles de « l'American lifestyle » sont déjà présents à l'écran : le Coca-Cola, la Ford, le hamburger mangé sur le pouce, les grands espaces, les armes etc. Autant d'éléments qui font que le spectateur peur s'identifier à eux en se disant que finalement, ce sont des tueurs mais sympathiques et proches du peuple.
Le spectateur finit donc par éprouver de la compassion pour ces deux-là et par douter : alors, criminels ou héros des temps modernes ?
Personnellement, je ne suis pas d'accord avec ceux qui perçoivent des Robin des Bois, car ils volaient certes les banques et épargnaient les "petites gens"
(cf. scène de Clyde demandant à un fermier si l'argent présent sur le comptoir lui appartient ou à la banque)
mais n'hésitaient pas à abattre des policiers ou épiciers ; et ils n'ont pas spécialement redistribués l'argent dérobé mais s'en sont servis pour leur propre personne.
Il paraît logique qu'à l'époque de sortie en salle, pendant la guerre du Viêt-Nam aux États-Unis à l'aube de mai 68 en France, le film ait eu un fort succès notamment auprès d'une partie importante de la jeunesse en pleine rébellion libertaire et en quête d'identité.
Il n'en reste pas moins que le duo de bandits américains a atteint la postérité avec ce film mythique.
Pour terminer, j'ajouterai, que récemment est sorti un long-métrage Netflix, "The Highwaymen" : celui-ci traite du même sujet mais en se focalisant sur le duo de policiers (ex Texas-Ranger) au moment où ils vont pourchasser et tuer Bonnie and Clyde en Louisiane, c'est à dire à la fin de leur cavale. Le duo interprété derrière l'écran par Woody Harrelson et Kevin Costner fonctionne à merveille, et c'est sans conteste l'intérêt majeur de ce film assez classique dans sa réalisation.