Le dernier né des productions de Luc Besson a pour clair objectif de faire passer son entreprise Europacorp du statut de petit distributeur de séries B européennes à un acteur incontournable du cinéma populaire des deux côtés de l’Atlantique. Fort du l’énorme succès du fun mais néanmoins nauséabond) Taken, en particulier aux Etats-Unis, Besson délaisse donc la série B violente et simpliste, sorte de 24 heures du pauvre, pour un genre plus consensuel : le « buddy movie », film d’action sensé être inoffensif et plein d’humour. Malheureusement, le genre est aussi plus exigeant : il ne suffit plus de torturer quelques terroristes pour être crédible, il faut aussi être drôle, rythmé, équilibré et original. Pas gagné pour les équipes Europacorp, plus douées en matière de bourinage qu’en terme d’esprit.
James Reese trvaille pour l’ambassadeur américain à Paris. Il profite de sa position pour faire quelques petits jobs pour la CIA. Le jour où on le met sur une vraie mission, c’est en lui adjoignant un partenaire aussi dingue qu’imprévisible.
C'est avec un petit plaisir vicieux qu'on attend que Luc Besson gare son 33 tonnes rempli de clichés devant nos salles pour un déchargement imminent. Et comme prévu, on s’accroche aux branches devant la profondeur d'un script, qui déploie ses thèmes avec la légèreté d’un régiment de Panzer. Dans l’ordre d’apparition : les français sont des obsédés du sexe, les femmes font mieux à manger que les hommes, les américains sont cools et sexy, les chinois membres de triades qui utilisent les restaurants comme couverture et les banlieues françaises sont des repères de dealers aussi bien armés qu’un escadron de FARC en ballade. Pour finir, on se demande quelques minutes pourquoi les pakistanais ont été choisis pour illustrer l’inévitable passage proxénète de l’histoire, là où des albanais ou des ukrainiens auraient fait merveille. Soucis de décalage ? Pas de risque, on se rassure quelques minutes après quand on se rend compte que les proxénètes sont aussi des terroristes qui en veulent à mort aux Etats-Unis. Terroriste = pakistanais, CQFD. Ouf, on respire.
Pour le reste, on a le droit au menu réglementaire d’une série B : boum-boum, pan-pan, crac-crac, mené par l’inévitable couple mal assorti : le jeune ambitieux et le vieux routard qui va lui apprendre la vie. S’il n’est évidemment pas réaliste, le scénario ne fait même pas l’effort d’être un tant soit peu rationnel. Le ponpon : Jonathan Rhys-Meyer qui place un micro dans le bureau du ministre français des affaires étrangères aavec autant de facilité que votre vieux pote Dédé qui cache des cacahuètes dans votre salle de bain le jour de votre crémaillère. Et pour couronner le tout, le réalisateur Pierre Morel ne brille pas spécialement dans les premières scènes d’action, qui voient John Travolta dessouder en toute impunité les deux tiers de la population parisienne, en commençant par celle d’origine étrangère.
On n’est pas pour autant en présence d’un nanard mémorable et culte (comme Armaggeddon) , ni d’un immense foutage de gueule public (comme Lucky Luke ou Cinéman).Deux ou trois choses émergent de cette médiocrité générale pour rendre l’ensemble presque regardable en particulier les cabotinages énaurmes mais divertissants d’un Travolta visiblement enchanté de faire du tourisme, un mauvais goût permanent et une poursuite en bagnole sur l’autoroute plutôt bien foutue, même si les scénaristes ne se sont évidemment pas inquiétées que la Volkswagen pourrie du terroriste trace sans le moindre effort les Audi flambant neuves de la CIA…mais faut quand même pas trop en demander.
NB : le film s’est pris une veste XXL au box office américain. Les yankees préfèrent les originaux aux copies en provenance d’outre Atlantique. Tant mieux.