Dans la même veine que son film précédent, «Bon à Rien», le second long métrage de Yoshishige Yoshida marque encore plus par sa noire ironie : même le geste désespéré d'un simple et honnête employé venant d'être licencié est récupéré à des fins mercantilistes, en l'occurrence pour promouvoir une campagne d'assurance-vie! Plus que jamais est mise en images l'oppression de la société (qu'elle soit japonaise ou non d'ailleurs, puisqu'il s'agit avant tout de la société de consommation), la souffrance d'un individu réduit au rang de simple objet, anéanti par son travail et sa vie privée qui se délite sous ses yeux, prisonnier d'un véritable cauchemar éveillé. Cette fois-ci les protagonistes sont dépeints avec froideur et distance, et même le personnage principal, sorte de Joseph K. nippon reste une figure anonyme, sortie aléatoirement de la foule pour devenir le jouet du destin, ou plutôt de l'opinion publique. Avec une clairvoyance étonnante, Yoshida rend compte de manoeuvres méprisables qui sont aujourd'hui monnaie courante : manipulation de l'information, mise en scène, non respect de la vie privée, harcèlement et acharnement de paparazzi et de journalistes peu scrupuleux,... Sans parler de l'éthique discutable de certains dirigeants d'entreprise (quand « tout va bien » fermons les yeux, un credo plus que d'actualité)... Le ton du «Sang Séché» est donc plus virulent, plus politique aussi et matérialise des inquiétudes existentialistes et morales qui n'ont toujours pas trouvé de réponse satisfaisante de nos jours. Il convient par ailleurs de remarquer l'excellente esthétique du film, sobre, portée par le déchirant noir et blanc de la photographie, tout comme la qualité de l'interprétation, (formidable Keiji Sada). À tous points de vue un long métrage qui n'a pas pris une ride, plus que jamais indispensable! [2/4] http://artetpoiesis.blogspot.fr/