Voila un film particulièrement atypique comme on n’en reverra certainement pas avant très longtemps à Hollywood. Comment définir "Little Big Man" ? Un conte indien ? Une comédie historique ? Une grande fresque humaniste ? Une apologie de la mythomanie ? Un règlement de compte avec l’histoire officielle ? Difficile à dire car le film est un peu tout ça à la fois et parvient à créer une surprenante alchimie entre tous les thèmes qu’il évoque. Il fallait oser évoquer le Grand Ouest américain (genre ultra-codifié et particulièrement hype lors de la sortie du film en 1970) en adoptant le point de vue des Indiens et, surtout, en s’appuyant sur un héros aussi original. A une époque où les westerns définissent encore les Blancs comme les gentils et les Indiens comme les méchants, "Little Big Man" impose un héros tiraillé entre ses origines indiennes et son éducation wasp, sans pour autant en faire une victime… bien au contraire ! Car ce brave Jack (Dustin Hoffman énorme) va vivre une vie extraordinaire qui permet de traiter de nombreux sujets en lien avec cette Amérique colonisatrice, du massacre des Indiens, à la vie quotidienne des citadins en passant par la place des femme (à travers le personnage de Faye Dunaway), les escrocs à la petite semaine (amusant Martin Balsam) ou les militaires endoctrinés (Richard Mulligan en pathétique Custer). Le film s’autorise, d’ailleurs, une outrage salvateur en déboulonnant la statut du Général Custer (véritable héros national outre-atlantique) pour en faire un personnage incroyablement détestable. Ce personnage et, plus généralement, les thèmes abordés sont traités avec une modernité loin d’être innocente puisque "Little Big Man" est sorti en pleine Guerre du Vietnam et peut se voir comme une dénonciation de ce conflit. A ce titre, le choix du réalisateur Arthur Penn de donner un ton assez léger (voir drôle) à son récit en début de film pour, peu à peu, durcir la note
et achever son histoire de façon dramatique
est plutôt bien vu puisqu’il participe au processus d’identification du personnage et fait, ainsi, passer son message profondément pacifique. Ce durcissement est, également, un des défauts du film puisqu’il ne manquera pas de désarçonner le spectateur, surtout au vu de sa toute dernière scène qui arrive un peu comme un cheveu sur la soupe. Peut-être aurait-il fallu être un peu moins drôle lors de la première moitié du film afin d’être plus cohérent ? Le film aurait sûrement perdu de son originalité… A moins que le problème réside davantage dans les fréquents problèmes de rythme dont le film est perclus. J’ai, également, trouvé dommage que le film ne propose pas une véritable réflexion sur le mensonge à travers le personnage de Little Big Man qui, en tant que narrateur de l’histoire (et pouvant, donc, broder selon ses désirs), aurait pu être davantage mis en difficulté par le journaliste qui l’interviewe. Une telle facette aurait pu être intéressante mais n’est pas vraiment abordée (malgré les promesses de l’affiche)… au point qu’on peut se demander l’intérêt des scènes du personnage âgé de 121 ans (si ce n’est renforcer la détresse et l’isolement de ce personnage, ce qui est un peu léger au vu des possibilités s’offrant aux scénaristes). Pour le reste, et malgré le poids des années (le film a quand même vieilli sur un plan formel), "Little Big Man" est un grand film qui ouvrira la voie, plus de 20 ans plus tard, au superbe "Danse avec les loups".