Je m'attendais à un grand film : à de la profondeur mêlée à beaucoup d'efficacité, à du sang froid coupé à du chaud, à de la passivité frustrée, à des quêtes tourmentées.
Tant d'éloges dans la presse, tant de succès auprès de certains spectateurs, je me questionne franchement sur l'honnêteté des critiques et sur l'intégrité des neurones de professionnels lorsqu'ils parlent de film culte, ou de chef d'oeuvre.
Je veux bien féliciter le directeur photo, Newton Thomas Sigel, qui a vraiment fait un très beau travail sur les couleurs et sur chaque scène où les ombres et les contrastes magnifient l'image avec une triste subtilité. Je veux bien également reconnaître que la B.O est pas mal du tout. Et que Ryan Gosling joue très bien un personnage dont il n'est pourtant franchement pas simple de savoir ce qu'il veut, ou ce qu'il est, ou même plutôt quel est son problème ; pour résumer, il joue très bien l'apparence d'une hirondelle effarouchée silencieuse et digne, au masculin.
Mais enfin, pourquoi ?
D'abord, les personnages : Ils n'ont pas de personnalité, ils ne sont ni réalistes ni hyper-stéréotypés, ils sont juste...rien ?. On s'attendrait presque, à tout moment, à ce que l'un remplace l'autre, ou à ce qu'ils pètent tous soudainement les plombs après tant de retenue (rire sec). Mais non. Rien. Il n'ont pas de passé, pas de futur, pas de présent, pas de présence non plus. Ils tombent amoureux (de quoi, au juste ?), ils sont en colère (contre quoi ?), ils se taisent (pour signifier quoi ?), ils ont peur (de perdre la vie par laquelle ils ne semblent même pas animés, vraiment ?).
Ensuite, L'histoire : Forcément, elle va de pair avec ceux qui la vivent, alors bien sûr, si on n'a déjà rien à faire de coquilles vides, il est logique qu'on se foute encore plus royalement de ce qui peut leur arriver.
D'autant plus qu'il ne se passe finalement pas grand-chose. Et même, il ne passe rien (un coup d'accélération par ci, un coup de couteau par là).
En y réfléchissant, avec beaucoup d'indulgence, je me dis que le scénariste, Hossein Amini, n'a pas réalisé que trop de poésie (ici induite par des silences, des ralentis, et des lenteurs) risquait de tuer tout le reste de son scénario, et qu'en quelque sorte, il s'est juste laissé aller sans se rendre compte du cruel manque de profondeur de son histoire et de ses personnages. Ce n'est pas un crime d'écrire une mauvaise histoire. Ce qui devient criminel, c'est de l'encourager et de la fertiliser. D'abord en la réalisant (et l'on imagine bien Nicolas Winding Refn, le réalisateur, gémir mentalement de plaisir en filmant puis montant des plans aussi jolis et formellement et "stylitiquement" parfaits, sans s'interroger sur la véritable nécessité de ceux-là) Plus grave encore est l'infraction lorsqu'elle est fécondée par un si large public qui crie au génie devant un tel trou noir.
En même temps, il est vrai que tout a été déjà été pensé, et montré.
Alors qu'à côté de ça, le vide est un réservoir inépuisable : alors c'est vrai, pourquoi se priver d'en voler un peu et d'en répandre sur de belles surfaces ? Et puis si en plus ça marche...