L’Amérique d'Eastwood est un refuge, une île qu'exilés et immigrés, d’Europe et d’ailleurs, œuvrent à bâtir conjointement, profitant des forces de chacun pour vivre en harmonie. Voilà le message fort qui porte Gran Torino. Quel autre pays que les États-Unis pour incarner la quintessence de la Nation, de cet accord des volontés mises au service du vivre-ensemble, à l'image de cette bâtisse décrépite ravalée par Thao, sous le regard fier de Walt. Eastwood livre un message de tolérance qui dépasse les convenances libérales (Walt n’est-il pas d’ailleurs un conservateur aigri dans son jus ?) et se fonde sur une nécessité, celle d’exister comme pays, celle de résister à cette peur, cette haine ancestrale de l'autre, qui se transforme ultimement en dégoût de soi. C’est ce qu'expérience Walt, hanté par le cadavres de Corée, pour lesquels pourtant il a été récompensé. Comment construire un pays sur la négation absolue de la vie ? Pour conserver ses valeurs, l’Amérique a longtemps choisi de s'isoler, de traiter l'autre comme une menace, et de les laisser ainsi dépérir. Mais la véritable survie des idéaux fondateurs des USA est assurée par leur réappropriation, leur adoption par ces immigrés, en témoigne cette Gran Torino à la vigueur retrouvée entre les mains du jeune immigré Laotien. Walt ne veut pas tuer pour les États-Unis ni de battre pour l'idée qui en découlerait alors, celle d'un pays aux terres gorgées de sang, mais est prêt à mourir pour en donner un nouvelle définition : les États-Unis comme pays de l’individu, du respect de la dignité de chaque chacun, contre une conception égoïste de l’individualisme avide de réussite et représenté par sa petite fille, qui attend que Walt meurt pour toucher l’héritage. Finalement, le jeu d'acteur et le scénario manquent à mon goût trop de subtilité pour être à la hauteur de leur contenu, et le message, de véritablement engagé, devient simplement attendrissant.