Ce film décrit mais n'exprime pas. Il joue avec Sagan comme on joue avec un personnage, comme on a joué avec Simone de Beauvoir et d'autres, en oubliant la femme, l'écrivain, l'authenticité. Il met en feuilleton, en tranches d'image ce qui s'est vécu au présent; il jette du sens sur ce qui n'en avait pas, sans pudeur et avec une pesanteur nauséabonde. Le cinéma n'a pas pour vocation d'informer, ni de retracer des vies, il crée, suscite, fait vivre, tandis que ce documentaire décoré de fiction fige, montre et impose. Ce film calibré pour le petit écran, avec ses acteurs certes doués et convaincants mais que l'on est habitué à voir pour certains dans les téléfilms, ne parvient pas à insuffler de la vie à l'univers où est sensée évoluer Sagan. Tout sent le construit, le factice, le refroidi. Heureusement, Sylvie Testud, incroyable d'énergie et de sincérité rehausse ce (télé)film, qui souffre, nous venons de le dire, d'un manque d'audace et d'ampleur déconcertant. Restent malgré tout l'esprit Sagan, convoqué avect talent par Sylvie Testud et quelques scènes à sauver où résonnent les phrases magnifiques de l'écrivain, surtout dans la deuxième partie. La fin du film va en s'améliorant, comme si la réalisatrice, finissant d'empiler les éléments biographiques, se recentrait sur l'essentiel, sur ce qui constitue l'essence du cinéma, c'est-à-dire une image faite pour susciter l'émotion, faite pour évoquer et non raconter ou désigner. L'écriture et la solitude, ces deux piliers soudés l'un à l'autre dans la vie de Françoise Sagan n'apparaissent finalement pas vraiment, ou que de maniere caricaturale, à travers le plaisir mondain et la machine à écrire. Seuls les mots de Sagan, puissants et infinis, coulent dans l'oreille du spectateur et évoquent cette solitude ; mais quand les images se révelent impuissantes dans un film, c'est qu'il est raté, et mieux vaut alors découvrir les mots soi-même et dire bonjour à sa tristesse à travers la solitude d'un livre...