On sent parmi la critique comme un syndrome "Bienvenue chez les Ch'tis", la peur de passer à côté de ce qui serait la surprise de l'année, et ce alors que Gad Elmaleh et son "Coco" atteignent 2,4 millions de spectateurs en 15 jours malgré un éreintement quasi unanime. En cette période de crise économique et de déprime sociale, il y a visiblement une autoroute qui s'ouvre pour les comédies, puisque "La Première étoile" approche du demi million en première semaine, avec il est vrai dans ses bagages le Prix du Public et le Grand Prix du Jury au festival de l'Alpe d'Huez.
Le scénario de "La Première étoile" est construit sur une idée simple et efficace : une famille antillaise de banlieue débarque aux sports d'hiver, et la greffe de cette tribu exagérément ethnico-banlieusarde dans un milieu de beaufs montagnards lui aussi bien caricatural sert de ressort essentiel aux gags de cette comédie. En prenant un peu de "Black Mic-mac" (les trois copines bigotes de Bonne Maman, le salon de coiffure afro où toutes les clientes s'esclaffent à l'idée de noirs au ski avant d'en faire des missionnaires, la Mercedes tunée jaune et mauve) et un peu des "Bronzés font du ski" (Bonne Maman damant la piste du tire-fesse en refusant de lâcher la perche, Jean-Gabriel perdu dans la neige), Lucien Jean-Baptiste réussit à construire un récit totalement prévisible, pleins de bons sentiments, et peuplé de personnages stéréotypés, mais qui fonctionne franchement bien.
La raison principale de cette réussite réside sans doute dans une sincérité qui se perçoit au-delà des exagérations propres à la comédie, et qui trouve ses racines dans les souvenirs d'enfance du réalisateur, parti lui aussi au ski avec sa mère. S'il y a des situations très convenues (Jean-Gabriel, archétype du "mâle antillais", beau parleur, joueur et irresponsable ; les franchouillards racistes à qui il suffit de partager une bonne biture pour dépasser leurs préjugés ; la pauvre petite fille riche entourée de boutonneux xénophobes qui tombe amoureux du mini-Corneille), on trouve aussi des scènes plus originales, comme la partie de scrabble entre Bonne Maman et son loueur, où ce dernier préfère éviter un scrabble mot-compte-triple par délicatesse, ou la très belle idée de faire chanter a capella "La Montagne" de Ferrat par la petite Marion lors du radio-crochet local, et où en entend les paroles parlant de l'exode rural ("Ils quittent un à un le pays, pour s'en aller gagner leur vie, loin de la terre où ils sont nés") prendre tout d'un coup une autre signification, déjà suggérée par les images d'archive du générique.
A côté du contrepoint réaliste de l'épouse de Jean-Gabriel jouée par Anne Consigny, on trouve des personnages plus typés, au premier rang desquels figure la mère de Jean-Gabriel, interprétée par Firmine Richard, négatif de Line Renaud, mais aussi le couple de savoyards antinomique incarné par Bernadette Lafont et Michel Jonasz, ou encore le dépanneur-perchman-présentateur du radio crochet, illustration de la polyvalence montagnarde, joué par Gilles Benizio, le Dino de Shirley.
Comédie française sans prétention mais non sans message, "La Première étoile" se laisse regarder avec plaisir, en sachant à la fois faire rire de détails propres à la communauté antillaise, mais aussi de situations universelles, de la maladresse des premières descentes à la douceur d'un dîner partagé dans un chalet.
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