"Boule et Bill" est, sans doute, ma BD d’enfance préféré avec Gaston Lagaffe. Et, malheureusement, le cocker de Roba n’aura pas eu plus de chance que le gaffeur de Franquin sur grand écran (rappelons, pour mémoire, qu’il existe un film dénommé "Fais gaffe à la gaffe !", qui a su repousser les limites de l’acceptable en matière d’adaptation de BD). En effet, ce "Boule et Bill" en live est une plantade monumentale qui, outre une intrigue affligeante de banalité et un refus inexplicable de joeur avec les codes désuets de son époque, cumule les choix artistiques désastreux. Quelle(s) idée(s) d’avoir fait du père un personnage aussi antipathique, de la mère une MLF avant l’heure ou encore de Boule un gosse apathique sans le moindre intérêt ? Pourquoi avoir transformé l’innocente tortue Caroline (doublée par Sarah Giraudeau) en obsédée sexuelle qui gémit de plaisir dès qu’elle aperçoit Bill (les dialoguistes auraient-ils oublié que le film est réservé aux enfants) ? Et surtout, pourquoi avoir amputé le film de la quasi-totalité des "passages obligés" de la BD, en les cantonnant, pour certains d’entre eux, à la scène finale, qui annonce, avec une invraisemblable vanité, une suite à venir (la voisine irascible et son chat, ce brave Pouf…) ? A ce titre, le déménagement de la famille en HLM aurait pu être une bonne idée permettant d’exploiter le décalage entre la vie en pavillon et la promesse d’une vie urbaine pleine de promesse (et qui aurait, également, permis un critique intéressante de l’époque sans trahir l’esprit de la BD) mais s’avère rapidement être une catastrophe puisqu’il nous prive de l’univers si reconnaissable de la BD avec sa maison paisible, son jardin et ses commerces de proximité où Boule et Bill enchaînent les catastrophes. Seule la 2CV rouge a été sauvée... ce qui représente une bien maigre consolation. Quant à la fidélité formelle au matériau d’origine, elle ne semble pas avoir effleuré la production puisque, à part la mère, aucun des personnages ne ressemble à son modèle papier (Boule privé de sa salopette bleu, le père privé de sa pipe mais affublé de lunettes…). Et ce n’est sûrement pas le twist scénaristique final impliquant Roba (plus opportuniste qu’efficace) qui permet de rendre acceptable cette violation du mythe. Mais le pire reste sans doute le traitement accordé à la relation entre Boule et Bill. C’est à croire que les réalisateurs réalisateur Alexandre Charlot (ça ne s’invente pas…) et Frank Magnier n’ont jamais ouvert un seul album puisqu’ils n’ont, visiblement, pu su saisir l’essence de cette relation. En effet, dans le film, Boule traite Bill comme… un simple chien et non comme un pote à part entière, ce qui faisait pourtant toute la valeur de la BD ! Leur complicité en souffre forcément et ne semble, d’ailleurs, pas avoir été l’un des centres d’intérêts des scénaristes qui se sont davantage concentré (à tort) sur les parents. Et c’est peu dire que l’interprétation du jeune Charles Crombez est désastreuse tant il prive le personnage de toute l’espièglerie et du dynamisme de son modèle papier. De son côté, Bill confirme qu’i est inadaptable sur grand écran ou, à tout le moins, pas sous cette forme. Difficile, en effet, de retranscrire toutes les nuances d’expression et de caractère de l’hilarant Bill papier avec un chien en chair et en os… Pourtant, il faut reconnaître que la voix de Manu Payet collait assez bien au personnage et qu’il serait intéressant de le retrouver dans ce rôle dans d’autres circonstances. Que reste-t-il donc à se mettre sous la dent avec ce Boule et Bill ? Éventuellement, une interprétation qui ne démérite pas (à part le jeune Charles Crombez, évidemment) puisque Frank Dubosc s’en sort plutôt bien dans un rôle différent de ses habituels numéro de séducteur pathétique, Marina Foïs est amusante en mère complice et Nicolas Vaude campe un voisin atypique (mais qui s’avère rapidement répétitif dans ses interventions). On retiendra également une ou deux scènes vaguement amusantes (dont les premières interventions du voisin). Mais, au final, "Boule et Bill" est incontestablement raté et ne pourra prétendre satisfaire un public autre que les enfants de moins de 5 ans qui seront contents de voir un chien sur grand écran… ou, éventuellement, les néophytes peu regardants qui n’ont jamais ouvert un album de Roba.