Christian Poveda, le réalisateur de La vida loca, a été tué d'une balle dans la tête début septembre au Salvador. Il avait 54 ans, était fin connaisseur de l'Amérique Latine.
Cela faisait des années qu'il travaillait à son documentaire sur les gangs du Salvador (les "maras"), dont les membres sont outrageusement tatoués.
C'est donc en quelque sorte en sa mémoire que j'ai été voir le film, et évidemment, il m'est difficile d'en parler sans prendre en compte sa tragique disparition.
Des cadavres, il y en a dans le film. Des vrais, hommes, femmes, ados. Filmés dans la rue comme on les trouvent après la fusillade, en train d'être empaquetés dans de vulgaires sacs poubelles, à la morgue, dans des cercueils. Le film est d'abord un coup de poing qu'il faut accepter. Un projectile extrait de l'oeil crevé d'une femme, les larmes d'une autre femme qui apprend en direct la mort de son mec, la douleur d'une mère lors d'un enterrement, des blessures montrées en gros plan. Toute cette mort, cette chair, cette souffrance est filmée de front, sans perspective, sans commentaire. C'est assez déstabilisant.
Puis petit à petit des histoires se dessinent : une jeune Ciné Classicfemme accouche et explore le mystère de sa propre naissance, un jeune homme est interné et se convertit au christianisme sous la pression d'évangélisateurs américains, une organisation humanitaire tente de réinsérer les membres du gang.
Des thématiques émergent aussi. Le gang comme début et comme fin de tout, comme religion, comme ultime lieu de solidarité et de réalisation de soi.
La brièveté de la vie y est aussi palpable, avec son aspect dérisoire, fatal, absurde (à aucun moment nous ne voyons les ennemis des bandes rivales). Le destin de l'un des personnages principaux va nous le faire sentir brutalement.
Finalement le film révèle de l'intérieur une société autonome, dont les valeurs et la morale sont auto-porteuses, et sur laquelle la société "extérieure" n'a que peu de prise. D'autres critiques