Depuis une dizaine d'années, les deux pyromanes du cinéma américain sont Michael Bay et Roland Emmerich. Passés maîtres dans l'art de détruire des villes entières, les deux sont également accusés de privilégier la forme sur le fond. Cependant, il est vraiment difficile de les traiter sur le même plan. Car même si leurs oeuvres ont comme unique but de divertir, les deux cinéastes semblent différer dans leurs fonctionnements. Là où Bay use et abuse d'images clippesques (ralentis à tout-va, contre-plongées pompeuses), à défaut de réfléchir en terme de cohérence scénaristique ou plus simplement d'histoire, Emmerich semble plus soucieux quant à la construction d'une intrigue. Evidemment, ce n'est jamais très poussé, mais à mesure que le temps passe, il apparaît que le cinéaste allemand peut y glisser quelques surprises. Independence Day (1996) reste le film le plus bizarroïde du monsieur. Il semble être tourné au premier degré, mais au vu de certaines scènes (le discours du président, par exemple), on en vient à se demander si tout cela n'était pas à des fins parodiques. Le réalisateur lui-même avait pointé l'ironie du film, apparemment non décelée par le public. Effectivement, que signifie cette courte scène où Jeff Goldblum accuse le gouvernement de détruire l'écosystème? Juste une marque de désespérance d'un personnage où la vraie critique de l'attitude inconsciente d'un état prêt à tout pour gagner? Le Jour d'Après (2004) a apporté la réponse. Car en s'attaquant au réchauffement climatique, et en dénonçant plus clairement les dérives d'un système, Roland Emmerich surprenait. Patriotisme? Le mot semble moins pertinent depuis la sortie de ce dernier film, qui a eu le mérite de clarifier les choses. Le vrai problème du cinéma made by Emmerich est d'avoir le cul entre deux chaises. Le ton sérieux ou la farce? Là où un Paul Verhoeven est capable de tous les excès pour dénoncer (les excellents Starship Troopers et Robocop), le destructeur venu d'Allemagne semble avoir choisi la douceur, qui paradoxalement lui fait défaut. 2012 ne fait pas exception à la règle mais creuse le raisonnement entamé avec Le Jour d'Après. S'inspirant de la prophétie maya, annonçant la fin du monde en 2012, Emmerich en profite pour emballer des scènes de destruction démentes mais également pour y glisser un sous-texte politique et moral intéressant. Car, entre deux séquences d'apocalypse (monumentales, il faut l'avouer), le metteur en scène présente un gouvernement américain presque inhumain quant à sa façon de préparer la population à son funeste destin. Mais, une nouvelle fois, Emmerich se refuse au pessimisme, et présente le courage de ses héros. Ils prennent ici la forme d'un écrivain (John Cusack, impeccable) et d'un scientifique (Chiwetel Ejiofor, très bon également), prêts à tout pour sauver le maximum de gens. L'honneur est donc sauf. Dommage qu'Emmerich ne pousse pas son film un peu plus loin, ce qui aurait pu le faire sortir des sentiers battus. Mais bon, ne boudons pas notre plaisir, cela reste du divertissement pur et plutôt bien exécuté.