Les meilleurs productions fantastiques ne sortent pas sur nos écrans, la faute à une industrie frileuse où l’audace n’est pas considérée comme une activité lucrative. C’est le cas de John dies at the end, de Don Coscarelli, sorti en 2012 aux États-Unis, et qui ne connaît qu’une sortie dvd, ce mois-ci. Une fois n’est pas coutume, ce sont les trublions du magazine Mad Movies qui l’introduisent dans nos contrées. Réalisé avec un petit budget, le film est une perle de créativité plastique et scénaristique, plus kafkaïen que Kafka, et aussi mystérieux que Lovecraft.
Lors d’une soirée bien arrosée, John (Rob Mayes) rencontre un rasta illuminé , Robert Marley (Tai Bennett), qui lui refourgue une nouvelle drogue, la Soy Sauce. Dans la nuit, John appelle son meilleur ami, Dave Wong (Chase Williamson, le personnage portant le nom de l’auteur des nouvelles inspirant le film), complètement paniqué par les effets de la drogue. Dave récupère son ami chez lui, et décide de l’emmener à l’hôpital. Sur la route, il se fait un fix de Soy Sauce, par malchance, avec la seringue qui traînait dans sa poche. Sous l’emprise du stupéfiant, il commence à donner du crédit à son collègue. D’autant plus qu’il communique avec lui par téléphone alors même que John est allongé à la place du mort.
Difficile de savoir où arrêter le synopsis devant un tel film, tellement celui-ci multiplie les pistes à suivre. Dave, non sans ironie, déclare au détour du film que Franz Kafka serait perdu dans une aventure telle que la leur. Il est vrai que Don Coscarelli se permet toutes les excentricités. On se retrouve en compagnie d’un monstre composé de pièce de viande, d’une petite amie infirme dont le membre fantôme prend vie, d’araignées géantes, et d’une secte d’un autre monde. Entre autres merveilles. Le tout est pourtant étonnamment cohérent, pourvu que le spectateur accepte le contrat tacite de laisser aller son imagination. Don Coscarelli est de cette espèce de réalisateurs qui ne prémâchent pas le travail à leur public. C’est ce qui rend John dies at the end si passionnant. Chacun y fera les interprétations qu’il voudra. Quel est la part du rêve, du cauchemar, de la réalité, aussi inquiétante soit-elle, ou du délire de drogué ? Le mystère plane perpétuellement à travers l’utilisation des paradoxes temporelles, et l’apparition brusque d’éléments horrifiques dans un univers avant tout fantastique.
À la manière de Lovecraft, John dies at the end met avant tout en scène l’indicible, particulièrement à travers les discussions post-mortem entre Dave et John. Dans la même idée, certains protagonistes, tel le journaliste Arnie Blondestone (Paul Giamatti) et le détective Lawrence Appleton (Glynn Turman) ne peuvent pas voir la réalité en face dans un premier temps car si l’horreur a toujours été sur le seuil, nous sommes incapable de la percevoir par nos seuls sens. Le film nous ramène aux sources du fantastique lovecraftien, où l’on ne sait plus trop si la folie des personnages les poussent à croire à l’incroyable, où si l’intrusion subite de l’inimaginable dans leur vie les rend fous. Avec un budget limité de 300.000 dollars, l’équipe du tournage a eu du fil à retordre et certaines scènes ont nécessité des dizaines de prises, telle la scène du cadavre constitué de viande, dont les différents morceaux plastiques étaient reliés uniquement par du fil de pêche. Miracle de revenir aux fondamentaux, les effets visuels se passant en grande partie de CGI sont de meilleurs factures que beaucoup d’effets spéciaux dégoûtants que l’on voit dans des blockbusters ratés tel I, Frankenstein, et autre crimes cinématographiques.
Amateurs de film fantastique à l’ancienne, où transpire le savoir-faire de l’artisan, et où on ne vous prend pas pour des débiles, si vous aimez vous faire peur tout en vous faisant rêver, alors foncez acquérir la dernière perle de Don Coscarelli.