Le précédent film d'Eran Riklis, "La Fiancée syrienne", traitait du même sujet : comment la raison d'état élaborée dans le conflit israelo-arabe amène à prendre des décisions absurdes et injustes pour les habitants des deux camps. Ici, c'est la décision d'instaurer des colonies de peuplement en Cisjordanie, la nécessité pour un ministre de montrer l'exemple et le hasard qui a placé le verger de Salma sous les fenêtres de Mira qui conduisent à cette injustice.
Comme l'explique un notable Palestinien à la pauvre Salma venue se plaindre dans un café rempli d'hommes qui se sont tu à l'entrée de cette femme, il y a des situations plus graves, celles des familles des kamikazes dont les maisons sont rasées par exemple. Même son de cloche du côté de l'autorité militaire israélienne, comme le dit un officier en lui montrant la file d'attente : "Ceux qui sont là ont de vrais problèmes, les vôtres sont dérisoires à côté".
Mais l'entêtement de Salma, et la parabole voulue par Eran Riklis, font de ce lopin de terre beaucoup plus qu'une affaire d'expropriation. D'ailleurs, quand Mira interpelle son ministre de mari en lui disant "Elle défend sa terre, tu aurais fait quoi à sa place ?", il répond : "C'est l'histoire de ce pays". Ce micro-litige qui devient une affaire d'état suivie par la presse internationale (un officiel norvégien vient assurer Salma du soutien de son pays, lui proposant en cas de problème, "d'appeler Oslo" !) permet de mettre en lumière les contradictions de ce conflit : malgré la loi du plus fort imposée par Israel, ce pays reste une démocratie où même le ministre de la Défense doit se soumettre aux décisions de la Cour Suprême, et les notables palestiniens sont plus soucieux de surveiller la moralité supposée de Salma, veuve depuis dix ans, plutôt que de la soutenir.
Malheureusement, l'action se disperse entre plusieurs histoires secondaires, comme la place envahissante que prend l'aguichante aide de camp du ministre, ou surtout l'idylle naissante entre Salma et son avocat. Une fois posée la situation, le récit se perd dans la bataille procédurale, et malgré notre compassion pour Mme Zidane (elle a d'ailleurs affiché chez elle une photo de son illustre homonyme, raison de plus pour nous la rendre sympathique !), l'intérêt s'effiloche progressivement, d'autant plus que la réalisation sans relief n'a rien pour nous surprendre.
La critique est assez enthousiaste devant le jeu d'Hiam Abbass ; pour ma part, je n'ai pas vraiment été emballé par sa prestation hiératique, et sans doute surtout par la façon engoncée de filmer son visage à la Irène Papas. La performance de son alter ego israélienne, Rona Lipaz Michael, m'a semblé plus subtile pour montrer sa solitude parallèle à celle de sa voisine et la montée progressive du doute devant les certitudes de son mari.
Dommage, j'aurais aimé aimer ce film écrit de même que "La Fiancée syrienne" par un réalisateur israélien et une scénariste palestinienne ; comme pour "La Visite de la Fanfare", une belle idée et de bons sentiments ne suffisent pourtant pas à remplir un film, et il y manque la poésie légère et grave d'autres oeuvres israéliennes récentes, comme "Les Méduses" ou "The Bubble".
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