Eden Lake
Un film de James Watkins
Premier film du scénariste britannique James Watkins, cet Eden Lake ne cachait pas franchement son jeu. Tapageur, le film était en l’occurrence précédé d’une petite réputation prometteuse. Qui s’avère méritée.
Au final, c’est en effet l’impression qui restera, après avoir visionné les 90 minutes intenses que dure le film. Eden Lake commence avec douceur, avec une présentation de deux de ses personnages appartenant au monde des adultes. Jenny Young (interprétée par la comédienne Kelly Reilly, très éloignée du contexte qui était le sien dans l’Auberge Espagnole et Les Poupées Russes de Cédric Klapisch) est une jeune institutrice qui aime son métier et adore les enfants (tant qu’ils restent inoffensifs…). La semaine touche à sa fin, les préparatifs du week end sont achevés. Jenny va quitter Londres, pour rejoindre la campagne avec son petit ami, Steve Taylor. Un petit week end en amoureux, loin du bitume de la grande cité. Après une longue route, et une courte halte pour passer la nuit à l’hÔtel, le couple se retrouve en pleine nature. C’est au cœur d’une forêt bordant un lac situé au bord d’une carrière qu’ils installeront leur bivouac.
Le site est magnifique, accueillant, et respire le calme, tout le contraire des « locaux ». Ceux-ci se révèlent très bruyants dès leur première rencontre. Leur âge –il s’agit d’un groupe d’adolescents- peut expliquer en grande partie leur comportement, leur attirance pour le bruit et l’emploi d’un vocabulaire fleuri. La musique donne le ton dès les premières images. Le petit week end s’annonce moins reposant que prévu ; l’agression d’un garçon, seul, par le groupe constitue une forme d’avertissement. Témoin de la scène, le gentil petit couple choisit alors de ne rien voir ou, du moins, de ne pas intervenir. La situation leur paraît déjà suffisamment tendue –Steve leur a demandé lors de leur première rencontre de baisser leur chaîne stéréo portable- et ils ne veulent pas de problèmes. La cohabitation forcée entre les jeunes et les deux adultes passe par ce genre d’artifice. Peu après, les ados lèvent le camp. Tout semble rentrer dans l’ordre, la confrontation sera pour plus tard. Les deux parties se sont jaugées, la nuit apportera paut-être son lot de surprises, quand Jenny et Steve se retrancheront dans le comfort douillet de leur tente.
Le lendemain, les choses s’accélèreront. Un événement poussera Steve à réagir. Son intervention déclenchera une suite d’échanges violents, suscitant une réaction en chaîne qui ne permettra plus de retour en arrière. Autant le tableau était idyllique au début -le couple transi d’amour ne pourrait que s’épanouir au milieu de tels décors- autant la suite le sera moins. Au cœur d’une logique très particulière, l’agresseur se sentira agressé, et l’escalade qui s’ensuivra ne laissera personne indemme.
James Watkins s’appuie à la fois sur une distribution exceptionnelle (dans le rôle de Brett, le jeune Jack O’Connell est saisissant de naturel, très persuasif en chef de bande ivre de violence) et une technique qui a déjà fait ses preuves. En utilisant alternativement plans rapprochés, partiels et semi-ralentis, il parvient à créer une tension palpable, particulièrement réussie dans les moments qui précèdent l’action.
Le film se déroule sur une courte période (deux-trois jours tout au plus). Les journées se succèdent et se ressemblent, jusqu’au moment où Jenny est obligée de se défendre. Les réactions de la proie sont alors d’autant plus intéressantes qu’elle se trouve être institutrice, aimant les enfants. Pour survivre, elle devra faire une croix sur certains de ses principes, et faire de grosses incartades à la morale. Cela suffira-t-il ?