Spread, ou Toy Boy par chez nous, est de ces films au faux airs de The Graduate dans son intonation et surtout dans sa manière de s'adonner à la rêverie et au pragmatisme, dans une union ou l'opposition n'est pas une figure de style mais belle et bien une entaille.
Je ne me suis pas vraiment fait cette remarque il y'a 10 ans, pourtant, beaucoup de choses me sont restés et revenus pour le reste très rapidement. Sa seconde partie, qui laisse place à la mélodie suranné n'a que plus d'allant à être reconnue de par ce fait. Le décalage des genres, avec cette première moitié ou la pose est volontairement montré, démontré, encore accentué et ainsi de suite révèle et notamment par le jeu d'acteurs en fin de compte le ridicule et la mélancolie d'une situation ou le comique ne ressort pas comme on l'attend, l'émotion plus profonde non plus ... La est d'ailleurs le meilleur contre-pied de ce long-métrage qui sort de sa pochette qui nous dirige vers une comédie potache et fleur bleue pour une autre forme de romantisme, plus difficile, moins conventionnelle pour ce style.
D'acteurs, parlons-en ! Anne Heche, impeccable Samantha, avocate blindée qui s'offre la distraction en pleine connaissance de cause et qui lutte en même temps, contre le manque et l'illusion qu'elle se crée. Entre rigueur et tendresse, elle exige et se fond dans le système qu'elle fabrique et subit tout à la fois devant sa façade qui s'effrite ... Loin de n'être qu'un stéréotype de plus, son interprétation, qui avec exagération mais sans pathos, révèle une forme profonde de solitude. D'ailleurs, cette dernière est le thème centrale tant elle les impacte tous ! Ashton Kutcher est lui l'archétype de ce qu'il incarne à première vue. Ce gars, beau et imbu de sa petite personne, profiteur, glandeur, qui ne se livre pas par peur de l'intimité comme on le découvre par les paroles si justes d'autres que de lui-même gagne toutefois notre estime à mesure que les choses s'emballent et dégringole pour lui. Nikki, petit gigolo à belle gueule et au physique mis en valeur par un attirail vestimentaire de circonstance ( Richard Gere dans American Gigolo n'a qu'a bien se tenir ! ) se révèle plus sensible que rebelle une fois le cap franchit et le mal avéré ... Ce flamboyant jeune homme trouve dans sa perdition une nouvelle forme d'acceptation, se résigne d'un certain coté à prendre le taureau par les cornes et garde le sourire devant une situation qui ne s'y prête plus du tout ! Ashton Kutcher démontre, comme je le pense depuis longtemps qu'il est plus qu'une image lisse comme certain le perçoive, cette composition qu'il magnifie en atteste. Quand à Margarita Levieva, elle n'est pas que la jolie fille de service qui sert d'alter ego pour d'autres et se démarque foncièrement des attentes sans franchir de lignes, de limites, tout en se servant des codes d'usages pour signifier une sensibilité, là aussi, à part entière. Il y'a dans ces quelques scènes d'accalmies dans une tempête relative, dans ce qui semble hors du cadre auxquels il et elle aspirent, un déchirement total après-coup ... Franchement bravo à eux pour çà.
Quand à la mise en scène de David Mackenzie, l'on peut dire qu'elle en a dans le ventre sans trop en faire ... Le décors posé, la caméra prend le pas sur son ensemble et devient main mise de son intrigue. On s'immerge dans cette fastidieuse ville qu'est L.A dans ces fleuves d'opulences et de dèche absolue. Imprégné de ce quotidien, on se prend à rêvé, puis à perdre ... Sans esbrouffe ni lapin tiré du chapeau et tant mieux !
Toy Boy, ou Spread, est de ces films simples, à première vue du moins, mais qui a bien plus à en dire que certain couplet trop charger. Ce sentiment d'abandon, plus que de vide en fin de compte synthétise une époque qui ne regarde que la vitrine, cours après le score, cherche à alourdir une addition dont on ne peu s'acquitté de moitié déjà ... Cette fragile force qui s'en échappe, bouscule et touche par ce lien qui se rompt, par ce " réel " que l'on prend et accepte avec le sourire à l'instar de son protagoniste qui en somme tronque son costume de playboy pour au autre moins aguicheur, plus banal en apparence, mais qui est là authentique ...