Après deux films un ton en dessous (malgré l'intéressante thématique du sida dans Les témoins), Téchiné nous revient avec un film plus fébrile dans le fond et plus moderne dans la forme. S'articulant en deux parties, l'avant et l'après du fait divers dont Téchiné et ses scénaristes se sont inspirés, La fille du RER se présente comme une chronique distanciée, presque objective, du mal de vivre de Jeanne, cherchant à donner un sens à sa vie. La première partie, la plus romanesque, plonge l'héroïne dans une passion amoureuse exclusive. La seconde, beaucoup plus tendue, la recadre dans une réalité beaucoup moins fantasmée. A l'aide d'une mise en scène brillante et lumineuse (avec toujours chez Téchiné cet amour des couleurs et de la nature), savamment accompagnée d'une bande son riche et judicieuse, porté par la mécanique parfaite d'un scénario habile, Téchiné montre sans démontrer, orchestrant une habile rencontre des thématiques qui lui sont chères : le mal-être de l'adolescence, la passion amoureuse, la confrontation au réel, le point du passé. Si la première partie fonctionne parfaitement, la seconde souffre d'une approche trop froide dont les quelques digressions (les problèmes du couple Demy-Elkabetz n'apportant rien à l'histoire malgré l'importance de la question juive) illustrent un peu maladroitement la réflexion sur le pouvoir de l'info et son rapport avec la vérité. Ainsi, malgré un casting irréprochable, Dequenne en tête, à la fois lumineuse et fermée, Duvauchelle parfait en petite frappe au charme vénéneux, Deneuve et Blanc au diapason d'une partition malgré tout sans surprise, Elkabetz comme toujours superbe, le film peine à toucher réellement, le choix du point de vue laissant malheureusement le spectateur à distance. Retenons cependant la parfaite maîtrise de Téchiné dans une mise en scène libre et moderne qui tutoie souvent la grâce (superbe scène de tchat entre Dequenne et Duvauchelle par exemple).