Dans La fille du RER, André Téchiné transforme un fait divers réel en un portrait profond et humain d’une adolescente perdue, à la recherche d’un sens à donner à sa vie. Allant d’échec en échec, tout en essayant de garder la tête haute, elle fini par craquer et agi irrationnellement en inventant de toute pièce une histoire d'agression antisémite. Pour retranscrire l’inquiétude et la détresse de son adolescente, le réalisateur utilise le motif du train et des rails tout au long du film : sans cesse, quelqu’un avance vers nous à toute allure, en patins à roulettes le plus souvent. Le train avance impartialement, comme on avance dans le temps inexorablement. L’héroïne sort de l’adolescence, elle est âgée de vingt ans environ, âge où il devient oppressant de faire quelque chose de sa vie. Sa tentative de couple échoue, à cause d’une affaire de drogue et de l’emprisonnement de son fiancé, et la voilà de nouveau errant en rollers. Comme toujours chez Téchiné, l'aspect sentimental, sensuel et humain se mêle à un questionnement social, politique ou parfois historique. C’était le Sida dans Les témoins, la guerre d’Algérie dans Les roseaux sauvages… Ici, c’est notamment l’utilisation à des fins politiques de faits divers qui est pointée du doigt ; le nom de Sarkozy n’est jamais prononcé, mais il est question d’un « président » qui saute sur l’occasion pour inquiéter ses citoyens et dénoncer les jeunes issus de l’immigration, sans plus de preuves de la véracité de l’événement. Il est aussi question, bien évidemment, du manque de professionnalisme des médias. Mais loin de nous pondre un film documentaire, Téchiné use encore une fois avec brio du langage cinématographique et de son style particulier, rythmé, flamboyant, lyrique et sensuel. Son histoire est prenante et touchante, servie par d’excellents comédiens, les plus âgés s’effaçant dans de petits rôles pour laisser place aux plus jeunes.