Pour son premier passage (ou presque) derrière la caméra, Drew Barrymore l’a joué plutôt profil bas. D’habitude, les actrices (acteurs) qui se découvrent directors sur le tard multiplient les idiosyncrasies. Leurs films font assaut d’originalité, de personnalité mais souvent le public, désarçonné par des histoires tordues ou des cadrages alambiqués (qu’on songe, et nous nous en tiendrons à un seul exemple, au Rat Boy de Sondra Locke), fait la fine bouche. On leur en veut de ne pas faire des films à l’image de ceux qui assurèrent leur succès.
Avec Whip it, l’ex-Gertie d’ET a choisi de ne pas boxer dans cette catégorie et le moins qu’on puisse dire est qu’elle n’a pas multiplié les prises de risque. Beaucoup des ingrédients visibles dans nombre de succès récents sont ici à l’oeuvre. On retrouve les beauty pageants comme dans Drop Dead Gorgeous ou Little Miss Sunshine, la réévaluation de sports improbables qui faisait tout le sel de Dodgeball (ici, une course de rollers sur un anneau aux règles assez byzantines) et puis bien sûr aussi Ellen Page, qui semble taillée pour transformer les films à petits budgets en champions du box office (Juno rapporta 230 millions de $ alors qu’il en avait coûté 6).
Pas une once d’originalité, ni dans la réalisation, ni dans les thèmes (le coming of age, la revanche des underdogs, le conflit de générations) ni surtout dans la musique (lorsque Pash et Bliss font une virée en Chevrolet, Sheena is a Punk Rocker passe à la radio et on n’échappe pas à No Surprises lors de l’échange rituel de tee-shirts entre Bliss et son boyfriend).
Mais voilà, ce petit film passe-partout , on s’y attache, on lui trouve même des qualités que les films précités ne possèdent pas tous au même niveau.
D’abord, Drew Barrymore évite le jeu de massacre si facile sur les beaufs U.S White Trash. Le père de Bliss sirote sa Bud en regardant le Super Ball, multiplie les allusions grivoises mais c’est au bout du compte un chic type (magnifique Daniel Stern), la mère a du mal à accepter que sa fille troque la couronne de Miss Bodeen pour le roller mais elle fait contre mauvaise fortune bon cœur et les copines de l’équipe ont de l’esprit à défaut d’éducation. Le trait n’est jamais forcé et Ellen Page (qui parfois horripilait par sa volubilité dans Juno) est ici à l’unisson de sa réalisatrice, sobre et touchante. Moins freaky que Dawn Wiener Dans Welcome to the Doll House, elle réussit de manière tout à fait crédible la métamorphose de la chenille binoclarde Bliss Cavendar en papillon à patins Babe Ruthless championne de roller. Même la bully (Juliette Lewis, superbe) refuse le coup de Jarnac qui aurait pu mettre sa rivale par terre.
Dans ses meilleurs moments (tout ce qui touche à l’amitié entre Pash (formidable Alia Shawkat) et Bliss),Whip it n’est pas loin du charme et de la justesse qui irriguaient le film d’Adrian Lyne, Foxes.
Bliss, ou lorsque le teen movie fait place à la chronique douce-amère…