Certes le cinéma anglais ne se renouvelle pas et "Boy A" n'est pas ce que l'on peut appeler un évènement. Ken Loach ayant lancé la mode de cinéma critique et engagé contre les aberrations de son pays, beaucoup de cinéastes tentent, sur des sujets sensibles, d'adapter le filmage et le discours humain à la grisaille anglaise. Pourtant ici, la mise en scène, sans révolutionner, donne dans une sensibilité bien différente au paysage actuel du cinéma britannique. John Crowley, dont c'est le deuxième film (et le premier à sortir dans les salles françaises), parvient à imposer des choix esthétiques assez forts et un récit très fluide malgré sa banalité. Le film commence sur une ellipse inversée ; Eric devient Jack. On comprend qu'il sort de prison, mais ici l'évasion n'est rien. Elle n'a pas lieu. Ce que cherche Crowley, c'est le personnage, la fuite d'un homme nouveau qui comprend qu'il ne peut pas défier son passé. Si l'on regrette un instant que le cinéaste ne s'attache pas plus au corps du protagoniste, se réadaptant aux nombreux besoins, on ne pourra qu'apprécier la pudeur de son approche, la façon dont il filme le visage si lumineux et grâcieux d'Andrew Garfield, précieux de maladresse et de politesse. La construction en flashs-backs, si elle n'étonne jamais, reste tout à fait maîtrisée, notamment dans l'incrustation au présent, à la nouvelle vie d'Eric et les problèmes qui se posent à lui ; la scène de sexe est peut-être la pièce essentielle du film, la plus émouvante aussi puisque c'est là que ressurgit tout le passé du personnage, là aussi où il aperçoit son futur, sans jamais que Crowley ne symbolise cette séquence. L'idée même que le sexe est un élément nouveau chez Eric (incarcéré à 11 ans) rend la séquence particulièrement troublante. Le cinéaste capte subtilement tout ce qui l'entoure comme étant une nouveauté, un éveil ; travail, amour, violence physique, drogue, jusqu'à la présence d'un décor confortable et inhabituel. Eric/Jack devient alors l'acteur d'un t