"Boy A", c'est ainsi que la presse avait surnommé Jack lors de son procès, pour le distinguer de son complice Philipp, pendu depuis par ses codétenus. Pourchassé par les tabloïds qui savent qu'il a été libéré, traqué par des milices de justiciers qui offrent une prime de 20 000 £, Jack doit aussi faire face à sa culpabilité, celle d'avoir assassiné à 12 ans, et celle d'avoir survécu à son comparse.
Quand Terry le rencontre une dernière fois au parloir pour préparer sa libération, celui qui s'est attaché à lui plus qu'à son propre fils lui offre une paire de Nike, symbole de la liberté de marcher dehors, et dont le nom est un programme à lui tout seul, Escape. Pourtant, pas facile d'échapper à un passé si lourd, et paradoxalement, plus la réinsertion de Jack se déroule bien (patron cool, copains de travail qui lui font découvrir les boîtes, la bière et l'extasy, copine qui lui offre douceur et patience), plus la menace devient pesante sur ce fragile équilibre.
Car comment construire enfin une vie normale, basée sur des valeurs de droiture et d'honnêteté - qui l'amènent à risquer sa vie pour sauver une petite fille accidentée -, tout en mentant par omission à ceux qui lui font confiance ? Outre le danger extérieur, Jack doit faire avec sa conscience, et c'est bien ce qu'a compris Terry qui lui rappelle en permanence que cette résurrection n'est possible qu'à partir du moment où il aura accepté que "le garçon que tu étais à l'époque est mort aussi".
Sujet passionnant, particulièrement venant de Grande-Bretagne, pays qui a été secoué par quelques affaires d'enfants assassins, comme celle du meurtre de James Bulger par deux garçons de 11 ans en 1993, ou celle plus récente du meurtre de Joe Geeling, 11 ans, par un voisin de 14 ans qui a été depuis condamné à la prison à vie avec une peine incompressible de 12 ans. Même s'ils sont condamnés à de lourdes peines dans un pays qui n'est par régi par l'Ordonnance de 1945, ces enfants deviennent adultes et finissent par sortir, dans un monde qui a profondément changé. Jack est constamment désarçonné par des éléments de la vie quotidienne, comme un DVD ou un téléphone portable.
"Boy A" évoque par son thème "Il y a lontemps que je t'aime", celui du retour à la vie après une longue peine. Contrairement au film de Philippe Claudel (qui vient d'obtenir le BAFTA du meilleur film non anglophone...), il ne dévoie pas le fond en révélant l'innoncence du héros : le sujet est bien la réinsertion des coupables, et non l'erreur judiciaire seule habilitée à dénoncer l'univers carcéral.
Malheureusement, ça ne fonctionne pas vraiment. La faute à une lenteur qui finit par détacher le spectateur du récit ; on comprend que pour Jack, chaque sensation retrouvée a un goût particulier, mais nous montrer par le menu chacun de ces réapprentissages finit par lasser. Et puis le film souffre d'un aspect bien trop écrit. Le scénario réussi est celui qui ne se remarque pas ; là, chaque épisode nous semble annoncé des heures à l'avance, et les rebondissements n'en sont pas, tant ils étaient attendus (ça ne faisait pas 30 secondes que le fils de Terry avait pointé son museau que je m'étais dit "Tiens, voilà le Judas de service"...)
L'écriture se fait pesante non seulement dans la contruction scénaristique, mais aussi dans les dialogues, notamment dans les passages clés, comme la rencontre finale sur la jetée ou la confrontation entre Terry et son fils. Faute d'avoir tenu une ligne narrative constante, entre chronique intimiste et mélodrame social, "Boy A" ne tient pas toutes les promesses que son sujet laissaient entreprendre, et laisse la place à un film à faire sur la reconstruction d'un jeune adulte victime de l'enfant qu'il a été.
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