Prit simplement comme un film parmi tant d’autres, Big Eyes fait sans doute partie de ceux jugés acceptables voire plutôt bons. Pour autant, en analysant le film comme étant une réalisation de Tim Burton, il apparaît être un fait mineur, un film de réalisateur plutôt anecdotique. Sur ce fait, bon nombre n’y verront qu’un échec artistique de la part d’un créateur ayant prouvé à maintes reprises son génie. Pourrait-on leur donner tort? Eh bien non. Sans pour autant fustiger Big Eyes, il n’apparaît résolument pas comme un film indispensable dans la filmographie de Tim Burton, quand bien même le réalisateur tente l’approche tragi-comique d’un biopic qui lui tient vraisemblablement à cœur. Globalement lisse, le film ne manquerait toutefois pas d’atout si d’avantage de soit aurait été amené à la narration, déroulé apathique d’un succès puis d’un conflit sur le thème de la peinture, l’art et la légitimité des travaux.
Tim Burton dresse donc le portrait des époux Keane, Margaret, l’artiste effacée et Walter, le trublion beau parleur. Alors que la première peint des toiles à la chaîne, les fameux Big Eyes, dans l’intimité, le second s’arrache pour vendre les œuvres de sa chère et tendre. Très vite, pourtant, le mari se réclame l’auteur, réussissant à vendre puis vendre encore, amenant le couple vers la richesse et le prestige. Impossible alors d’avouer que le bonhomme n’est pas l’artiste, et la supercherie fonctionne à merveille. Pour autant, lorsque le couple se délite, un conflit éclate. Sans suspens, le film étant inspiré de la véritable histoire des tableaux et artistes Keane, nous connaissons tous déjà le dernier mot de l’histoire. L’atout dans la manche de Tim Burton est donc dans la manière de nous la raconter, s’appuyant comme un pivot sur deux comédiens de renom.
Alors que le choix de Christoph Waltz et Amy Adams pour incarner les époux Keane semble judicieux, il s’avère bien vite que l’homme prend clairement le pas sur sa femme. En effet, l’acteur autrichien, formidable muse récente de Tarantino, s’efforce de dynamiser le récit, faisant de ses apparitions les seuls véritables moments dynamiques du film. L’acteur cabotine parfois, certes, mais Amy Adams ne parviendra jamais, quant à elle, à démontrer une quelconque vivacité, trop timide alors que pourtant son rôle se voulait attachant. Personne n’éprouve alors la moindre pitié pour la dame, complètement effacée, broyée par son drôle de mari. L’actrice n’est certes pas mauvaise, elle l’aura prouvé à maintes reprises, mais ne semble pas ici pleinement investie dans sa tâche, une tâche, qui plus est, qui demande de rivaliser de charisme avec un acteur hors pair et parfaitement à sa place.
Voilà, la messe est dite. On affirmera alors tous en cœur, ou presque, que Tim Burton y est allé avec le dos de la petite cuillère, ne forçant jamais son talent. Le réalisateur, en effet, semble obnubilé par les œuvres peintes, des toiles qu’il estime et qui s’intègre parfaitement à son univers cinématographique. Mais au-delà de cette fascination pour ces drôles de dessins, Tim Burton manque cruellement de passion pour livrer autre chose qu’un banal biopic hollywoodien. 09/20