Il va sans dire qu’un nouveau Tim Burton ne peut passer inaperçu. Le réalisateur jouit d’une place stable et confortable au sein de la pop culture occidentale, explicable par la singularité d’un univers visuel marqué et auquel beaucoup sont attachés. Le cinéaste signe donc son retour, 2 ans après « Dark Shadows » et « Frankenweenie » (2012), avec cette adaptation d’un scandale qui secoua le monde de l’art au cours des années 60, l’imposture de Walter Keane, qui fit passer les travaux de sa femme, Margaret Keane pour les siens, s’attirant ainsi une gloire absolument imméritée.
Evidemment, les fans absolus de l’œuvre de Tim Burton précipiteront leurs regards devant ces grands yeux (finalement assez inquiétants) mais seront probablement assez surpris de ne retrouver aucune marque saillante de l’identité Burtonienne. Les plus curieux et aventureux, verront cette surprise comme une volonté positive de renouvellement, tandis que d’autres l’interprèteront comme un inacceptable dévoiement. A chacun de se situer par rapport à l’œuvre d’un auteur, qui parvient à maintenir une continuité dans la maison de son imagination, dont il nous fait découvrir à chaque film, une nouvelle pièce, parfois plus grande, plus petite, plus ou moins intéressante, que la précédente.
Christoph Waltz livre une interprétation délicieusement odieuse de Walter Keane, et utilise parfaitement le maxi-sourire comme symbole de la plus abjecte hypocrisie et mauvaise foi. Car le personnage de Walter Keane tel qu’il est dépeint, est un summum d’immondice morale dans l’histoire du cinéma. Walter Keane est calculateur, fourbe, vicieux, hypocrite, lâche, intéressé, vénal, de mauvaise foi, méchant, violent, menteur, pyromane, mythomane pathologique. En bref, un cauchemar dans la vraie vie, mais une crispation jouissive à l’écran.
Il est d’ailleurs la seule chose qui vaille à peu près la peine d’être remarqué dans ce film, qui pêche par un terrible manque d’originalité dans la forme et dans le traitement d’une histoire, qui, relativement méconnue, aurait pu être « introduite » avec plus de maestria. Le film à l’allure soporifique d’une banale comédie (un poil dramatique) hollywoodienne, qui déroule un fil narratif dont on distingue clairement la ligne d’arrivée. Un peu comme visiter la même exposition deux fois la même journée.
Amy Adams, touchante, est victime de sa fadeur (mais c’est aussi surement ce qu’exige le rôle d’une femme effacée qui peine à prendre son destin en main) et tombe dans le délit de niaiserie aggravée (là encore, sûrement l’écriture du personnage à mettre en cause). De là, les clichés pullulent, la jeune fille de Margaret, compréhensive et un peu moins naïve que sa mère, dont elle est très proche. Les galeristes snobinards qui ne peuvent parler d’art sans adopter un ton péremptoire et d’abstruses formulations philosophiques. Et il y a aussi les critiques, qui évidemment, sont des artistes ratés, trop contents de ruiner les carrières de ceux qu’ils auraient en réalité, aimé être. Burton aurait peut-être dû voir « Birdman » pour traiter la question de la critique artistique de manière un peu moins caricaturale.
« Big Eyes », étant le nouveau Tim Burton, il est un rendez-vous, mais raté. Le film n’est qu’un petit jus de banalités, un divertissement facile, très hollywoodien, sans réelle saveur, dont on peut estimer la durée de vie dans une mémoire à 6 mois, et qui constitue une déception quant à ce qu’aurait pu être une histoire presque faite pour le cinéma.