"Big Eyes", histoire vraie et édifiante, a attiré Tim Burton, qui se confronte ainsi à la comédie dramatique contre toute attente...
Étonnamment, ce réalisateur en se frottant à cet exercice a perdu une partie de son panache, de sa folie sans pour autant démériter !
Il est vrai qu'un biopic de ce genre tempère les ardeurs par les contraintes du genre lui-même...
Au final, on est déjà séduit par l'ambiance colorée de l'époque très agréable, très fidèle au San Francisco des années 50, qui est même un véritable petit régal pour nos yeux écarquillés !
Robes évasées, voitures démesurées, intérieurs vintage, tout est à la hauteur pour un sans faute complet...
À cela, si on ajoute la prestation irrésistible et énorme de Christoph Waltz dans la peau de ce faux-peintre Walter Keane, on est forcément comblé par cette histoire ahurissante !
Il faut voir l'acteur dans cette composition d'homme manipulateur, calculateur et sans état d'âme au point d'être monstrueux face à sa femme, dont il néglige d'un revers de la main, le malaise existentiel et grandissant qu'elle ressent...
Cet homme aux dents longues, comédien, mégalomane mais aveugle (!), est quelquefois à la limite de la folie avec ce sourire carnassier effroyable !
Tout repose donc essentiellement sur le jeu de cet usurpateur assumé, peintre reconnu des toiles exécutées par sa femme Margaret, interprétée par Amy Adams, très juste et sensible aussi en tant que personnage opposé, complémentaire et indispensable.
Et entre ces deux êtres liés par un contrat terrible et pourtant évident, c'est toute la réflexion de leur relation qui nous envahit avec un questionnement sur le rôle de chacun.
En effet, il faut bien reconnaître que tout le succès et la percée des "Big Eyes" est en fait avant tout le fruit du commercial qui a su vendre en tant que créateur cette peinture, alors que Margaret elle seule, en cumulant le statut d'artiste à celui de femme de l'époque, au travail de plus non reconnu et même dévalorisé sur le plan artistique par les critiques toutes puissantes, n'aurait jamais pu émerger et devenir célèbre comme elle l'a été au final !
Aussi affreuse et sordide soit-elle, toute cette notoriété est due à ce mari, suite au fonctionnement mis en place, à cette entente insidieuse dont la signature au bas de chaque toile est au final la même !
C'est essentiellement sur ce point que tout devient très intéressant et même passionnant pour le spectateur qui suit la destruction de ce couple hors du commun...
C'est donc l'essence même de ce message que l'on retient, plus que la mise en scène au scénario à fortiori linéaire, n'offrant que peu de surprises ou d'éclats dont le fameux Tim Burton a pourtant le secret...
Privé ici de ces artifices, ce film est pourtant une agréable surprise très instructive sur le plan du rapport humain, sur la spéculation dans le monde de l'Art et sur la reconnaissance du talent et de son existence en fonction de celui qui est censé le détenir !
Beaucoup de questions au demeurant, restent en suspens, à défaut d'une vraie grande surprise espérée...
Alors, avec beaucoup de grandes qualités, cette histoire est à découvrir avec beaucoup de plaisir.